Une large coalition de médecins européens, expert.e.s de la santé, syndicats, mutualités, étudiant.e.s et ONG, cherche une million de signatures européennes pour s’assurer que la Commission européenne tienne sa promesse: les vaccins contre la COVID-19 doivent être “notre bien universel commun”.
Avec cette carte blanche, 50 expert.e.s belges expriment leur soutien pour cette initiative.
En avril, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré que tout futur vaccin contre la COVID-19 devrait être "disponible dans tous les coins du monde [...] à des prix abordables". Ce doit être notre bien universel et commun". La Commission européenne a semblé joindre l'acte à la parole. Accompagnée de certains États membres ainsi que de la Banque européenne d'investissement, elle a recueilli près de 12 milliards d'euros pour faire progresser le développement des vaccins, tests et traitements COVID-19 et l'égalité d'accès à ceux-ci.
Grâce à un travail scientifique impressionnant, les premiers programmes de vaccination ont été lancés. Mais le chemin reste long. Actuellement, les entreprises pharmaceutiques fonctionnent selon un modèle axé sur l’exclusivité qui empêche la distribution rapide et abordable des vaccins hautement prioritaires. Contrairement à ses propres promesses, la Commission européenne n'a pas encore pris une seule mesure pour changer radicalement ce scénario.
Malgré des millions obtenus via des investissements publics et profitant des recherches académiques, les entreprises pharmaceutiques sont autorisées à breveter les résultats de leurs recherches. Cela leur octroie un monopole sur le développement et la distribution du vaccin.
Cependant, l'échange des résultats de la recherche ne peut se faire que dans l'intérêt général : l’efficacité des vaccins actuels s'en trouverait améliorée, et la production et la distribution mondiales seraient beaucoup plus rapides. Une poignée d'entreprises ne peut pas approvisionner le monde entier.
En raison de ces pénuries, 9 personnes sur 10 dans les pays à revenu faible ne seront pas vaccinées cette année, a calculé la People's Vaccine Alliance. Dans nos pays également, des franges importantes de la population devront attendre l'été avant de pouvoir recevoir une injection. Outre les souffrances humaines que ce retard entraînera, il donnera au virus un temps supplémentaire pour se propager et muter.
Heureusement, il existe des clauses au sein de l'Organisation mondiale du commerce et du droit européen qui peuvent mettre de côté le droit de propriété intellectuelle en cas de crise sanitaire. La Commission européenne bloque néanmoins systématiquement toute proposition internationale qui permettrait un échange ouvert de technologies. Il est incompréhensible que le partage public de données et de résultats cliniques et l’accès universel ne soient pas des conditions pour l'utilisation des fonds publics.
Les négociations entre la Commission européenne et les entreprises pharmaceutiques se déroulent de plus à huis clos. Même les parlementaires élu.es ne savent pas exactement combien nous allons payer par dose, quel est le montant déjà payé de la contribution publique et quelle est l'efficacité exacte des vaccins approuvés.
L'achat de produits médicaux n'est pas soumis aux mêmes règles de transparence que toute autre forme de marché public. Les calculs de prix du secteur pharmaceutique manquent notoirement de transparence et sont souvent davantage basés sur la "volonté de payer" que sur les coûts de développement et de production. Grâce à la fuite involontaire de la secrétaire d’État au budget De Bleeker, nous savons maintenant que le prix par seringue varie entre 2 et 18 euros. Ce prix n'inclut pas le paiement anticipé de 2,45 milliards d'euros effectué par l'UE aux sociétés pharmaceutiques pour garantir son propre stock de vaccins.
Prenons l'exemple du vaccin Pfizer/BioNTech, le premier vaccin à recevoir une licence de vente européenne. Pfizer a reçu 546 millions de dollars de l'UE et du gouvernement allemand pour financer sa recherche et le développement d'un vaccin efficace contre la coronavirus. Pfizer facture désormais 15,50 euros par injection, dont deux sont nécessaires. L’entreprise a fièrement annoncé qu'elle tirera 30 milliards de dollars de bénéfices du vaccin Covid-19 d'ici 2023. En pleine pandémie et crise économique, il n’y a aucune raison de contribuer aux profits excessifs des actionnaires.
De nombreuses comparaisons ont été faites avec d'autres crises sanitaires. La crise du VIH est peut-être l'exemple le plus instructif et le plus troublant. Des millions de personnes sont mortes parce qu'elles n'avaient pas les moyens de se faire soigner. La pression publique a forcé les entreprises pharmaceutiques à abandonner leurs brevets dans les pays à revenu faible. Les traitements y sont devenus accessibles dix ans après qu'ils aient été disponibles dans les pays occidentaux. Le monde ne peut tout simplement pas se permettre d'attendre aussi longtemps.
Mais un autre exemple montre qu'il existe une alternative : le vaccin contre la polio est arrivé sur le marché sans brevet et la maladie a maintenant été éradiquée dans de nombreuses régions du monde.
En lançant une initiative citoyenne européenne, nous rappelons à la Commission européenne son engagement à faire du futur vaccin COVID-19 un bien commun universel. Pour cela, 1 million de signatures sont nécessaires. Cela rendrait visible la demande croissante des citoyen.nes, des expert.e.s de la santé et des dirigeant.e.s du monde entier selon laquelle l'heure n'est pas aux bénéfices excessifs et aux contrats secrets, mais au contrôle public.