Santé publique

Contre l’excision, le rôle crucial des parents protecteurs

Avant le début des vacances d’été, les associations de lutte contre les mutilations génitales féminines lancent une campagne de prévention en faisant appel aux parents des filles à risque d’excision.

Publié le: 23 mai 2025

Mis à jour le: 23 mai 2025

Par: Clotilde de Gastines

3 min

En mars 2024, une manifestante tient un panneau “Les MGF s’arrêtent avec moi” devant l’Assemblée Nationale de Gambie.

Belga Image: © Muhamadou Bittaye (AFP) // En mars 2024, une manifestante tient un panneau “Les MGF s’arrêtent avec moi” devant l’Assemblée Nationale de Gambie.

Avec le slogan "L'excision s'arrête avec moi", la nouvelle campagne internationale de prévention contre l’excision veut marquer les esprits. Cette année, elle encourage les parents qui ont protégé leur fille de l’excision à prendre la parole sur les réseaux sociaux sous le hashtag #iprotectmydaughter. L’initiative, portée par une cinquantaine d’associations, a donné lieu à des événements partout en Europe et à l’international, le 17 mai dernier, jour du lancement. À Bruxelles, le Gams Belgique (le groupement pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines) organisait une conférence de presse au cinéma Le Palace, suivie le 21 mai par un débat au Parlement bruxellois. 

"J’ai été protégée par mon père, l’excision s’arrête avec moi", témoigne Rokia Bamba, artiste et DJ afroféministe née à Bruxelles de parents originaires d’Afrique de l’Ouest. Dans une vidéo postée sur Instagram dans le cadre de la campagne, elle raconte : "Ma maman a vécu l’excision, elle m’en a parlé assez tôt au moment de ma puberté pour me dire que ça ne risquait pas de m’arriver. Ce qu’elle a subi, elle ne voulait pas que je le subisse. Et mon père a eu cette prise de conscience", dit-elle. Ainsi, quand ils partaient en vacances au Mali, il la gardait toujours à ses côtés pour éviter que les tantes n’organisent une excision. 

La campagne cherche à mettre en lumière les différentes stratégies des parents et "nous espérons qu’elle aura un effet boule de neige, explique Aminata Sidibé, la coordinatrice régionale du Gams Belgique pour Bruxelles. Certains s’opposent à leur famille en expliquant par exemple que leur fille est résidente en Belgique, et qu’ils risquent la prison. D’autres font croire que leur enfant est déjà excisée." 

Des millions à être exposées

Généralement pratiquées sur de jeunes filles avant leur puberté, le terme "mutilations génitales féminines (MGF)" englobe tous les actes tendant à retirer ou à léser des parties des organes génitaux féminins sans raison médicale. Or, ces actes ont des conséquences sur leur santé tout au long de la vie. 

Depuis 1990, la probabilité qu’une fille subisse des mutilations génitales a été divisée par trois. Cependant, les MGF restent courantes dans une trentaine de pays à travers le monde, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. L’OMS estime que chaque année, 4 millions de filles restent exposées à ce risque. Elles seraient 12.000 en Belgique, selon les études de prévalence compilée par le Gams Belgique.  

Par ailleurs une tendance inquiète les ONG : la "médicalisation" de la pratique. Alors qu'auparavant, une fille sur 3 était excisée par un professionnel de la santé, elles sont désormais 2 sur 3. "Comme si c’était une institutionnalisation de l’acte, qu’on le considérait comme un acte chirurgical. Or, ce n’est pas du tout le cas. C’est une violation des droits des enfants. C’est une violence faite aux filles et aux femmes et avec des conséquences à long terme", s'indigne Fabienne Richard, directrice du Gams Belgique. 

Entre 2019 et 2023, l’asbl a inscrit 946 filles pour les protéger de l’excision et accompagné 2.198 filles et femmes ayant subi cette mutilation génitale. Cette année, des parents protecteurs participent aussi à des ateliers en ligne pour se donner des conseils, échanger sur leurs stratégies d’évitement et les tiraillements que leur cheminement de protection provoque.