Les femmes et les personnes pauvres ont plus difficilement accès au suivi psychologique
De par les difficultés et les discriminations qu’elles rencontrent, les femmes et les personnes en situation de pauvreté sont plus à risque de développer des problèmes psychologiques. Pourtant, elles rencontrent davantage de difficultés pour accéder aux soins psychologiques, selon une nouvelle étude de la Mutualité chrétienne. Les freins à l’accès sont divers : la difficulté à identifier les problèmes, à chercher, à atteindre et à payer les services. « Ces freins cumulatifs rendent certains groupes extrêmement vulnérables et l’offre en place ne suffit pas à atteindre ces groupes défavorisés, pour lesquels les problèmes de santé mentale peuvent dégrader tous les autres aspects de la vie », indique Elisabeth Degryse, Vice-présidente de la MC.
Quelques conclusions marquantes de l’analyse des données MC
- Parmi les femmes avec des problèmes psychologiques, seules 37% d’entre elles en ont conscience, pour 39% chez les hommes.
- Les femmes sont plus susceptibles de rencontrer des problèmes dans leur recherche d’aide : 33% d’entre elles mentionnent une inquiétude pour les coûts, et 4% le fait de ne pas parvenir à prendre rendez-vous, pour respectivement 24% et 1% des hommes.
- Les personnes ayant des difficultés financières ont plus souvent recours à la médication en cas de dépression (73% contre 62% de la classe la plus haute) et moins souvent à la psychothérapie (39% contre 51%). Elles sont également plus susceptibles de ne pas rechercher d’aide professionnelle en raison de la honte ressentie à cette idée (17%).
Selon les résultats de l’étude, le risque de présenter des difficultés psychologiques qui témoignent d’un mal-être est 1,4 fois plus élevé pour les femmes que les hommes, 1,7 fois plus élevé pour les personnes faisant partie de la catégorie avec les revenus les plus bas par rapport à celle possédant les revenus les plus hauts. Lorsqu’on croise ces facteurs de risque, on observe qu’en termes de difficultés psychologiques, la proportion des répondant·es avec des difficultés est encore plus élevée dans certains sous-groupes. « La question qui se pose est celle de l’accompagnement offert aux personnes qui sont davantage à risque », indique Elisabeth Degryse. « Est-ce que leur accès au suivi psychologique est en adéquation avec ces besoins ? Manifestement, non. »
Vulnérabilité économique
Le facteur qui a le plus d’influence sur le risque de souffrir d’un problème de santé mentale est sans aucun doute la pauvreté. Or, montre l’étude, dans le cas d’une dépression, les personnes qui ont des difficultés financières ont davantage recours aux médicaments (73% d’entre eux contre 62% du groupe le plus aisé) et dans une moindre mesure au suivi psychothérapeutique (39% contre 51%). Si ce recours aux soins n’est pas proportionnel aux besoins, cela peut notamment être en raison du sous-rapportage important des problèmes de santé mentale chez le groupe le plus vulnérable économiquement, aux freins en matière d’acceptabilité tels que la honte ressentie à l’idée d’avoir recours aux soins (17 %) ou encore de l’inquiétude quant aux coûts, invoquée par 59% des personnes ayant des difficultés financières comme raison de leur non-recours.
Différences de genre
Au niveau du genre, on remarque également de grandes différences. Les discriminations dont les femmes sont victimes peuvent sans doute apporter un éclairage particulier par rapport aux difficultés auxquelles elles sont confrontées. Les multiples responsabilités qu’elles doivent assumer pèsent parfois lourdement sur le quotidien des femmes, représentant une charge mentale non négligeable. Pourtant, lorsqu’il est identifié que les femmes sont plus à risque de souffrir de problèmes psychologiques, elles sont en proportion moins nombreuses que les hommes à identifier et à rapporter leurs problèmes (37% contre 39%). Elles pointent principalement des obstacles pratiques pour expliquer leur non-recours aux soins : elles sont plus nombreuses à s’inquiéter des coûts de l'aide psychologique (33 % contre 24 % des hommes) et à avoir des difficultés pour parvenir à prendre un rendez-vous (4% contre 1 % des hommes). En revanche, les hommes sont davantage sceptiques par rapport à l’aide professionnelle. Ainsi, ils sont plus nombreux à vouloir résoudre leurs problèmes eux-mêmes (58 % d’entre eux contre 53 % des femmes) et à penser que leurs problèmes disparaitront d’eux-mêmes (25% contre 19% des femmes).
Lorsqu’elles ont conscience qu’elles ont un problème psychologique, les femmes cherchent plus souvent de l’aide que les hommes : 71 % des femmes qui font actuellement l’expérience de problèmes psychologiques et 80% de celles qui en ont eu dans le passé déclarent avoir cherché de l’aide, contre respectivement 59% et 67% des hommes.
Les femmes font également plus souvent appel à un psychologue qu’à un psychiatre : en 2021, 70% des membres MC ayant eu recours à l’avantage psychologie (assurance complémentaire) étaient des femmes, contre 59% des utilisateur·rices des soins chez le psychiatre.
L'âge et l'origine sont également déterminants
L'étude montre également que l'âge peut déterminer la façon dont les personnes gèrent leurs problèmes psychologiques. Par exemple, les personnes de plus de 50 ans ont relativement plus recours au suivi par un psychiatre, tandis que les 18-49 ans ont davantage recours à un psychologue. De plus, les jeunes rapportent plus souvent leurs problèmes psychologiques (50 %) que les plus de 65 ans (16 %). Pourtant, 24 % des 18-39 ans déclarent avoir du mal à franchir le pas pour faire appel à une aide professionnelle, contre seulement 7 % des plus de 65 ans. Plus les répondants sont jeunes, plus ils pensent que chercher de l’aide est un signe d'échec personnel (15 % contre 9 % des plus de 65 ans). Pour autant, les répondant·es de la catégorie la plus jeune croient davantage en la pertinence de l’aide professionnelle (seuls 6% des 18-39 ans ne croient pas en l’aide professionnelle contre 12% des plus de 65 ans).
En outre, l'étude souligne également que l'acceptabilité et l'accessibilité des soins psychologiques peut être plus faible chez les personnes d'origine étrangère. « Ce groupe peut avoir moins facilement accès à une aide psychologique en raison de la distance culturelle ou des barrières linguistiques », explique Elisabeth Degryse. « Nous devons nous concentrer encore plus sur cela à l'avenir. »
« Les auteurs de l’étude démontrent que l’accessibilité financière des soins psychologiques doit être renforcée en abaissant le coût à charge des patient·es. La réforme de psychologie de première ligne est une belle avancée en la matière, il est donc nécessaire de travailler à augmenter cette offre et de l’évaluer. L’étude prouve que les soins remboursés par l’assurance complémentaire sont largement utilisés par les membres de la MC et qu’il existe bel et bien un besoin en la matière, mais le remboursement de ces soins pourrait être revu pour qu’ils soient accessibles à tous, indépendamment des moyens financiers. », clôture Elisabeth Degryse. « Par ailleurs, il est important pour nous d'organiser les soins psychologiques de manière à ce que les groupes de personnes dont savons qu’ils sont plus à risque de développer des problèmes psychologiques aient un accès plus facile aux soins nécessaires. »
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Manuel Di Pietrantonio, collaborateur relations presse MC 0471 55 55 94