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Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) se manifeste par différents symptômes invalidants qui peuvent être atténués ou supprimés par une approche psychothérapeutique adaptée.
Publié le: 22 septembre 2025
Par: Julie Luong
7 min
Photo: (c)AdobeStock // Le syndrome de stress post-traumatique est fréquemment associé à une longue errance diagnostique.
De l’extérieur, la vie d’Anne, enseignante, semble suivre son cours. Pourtant, depuis qu’elle a été témoin d’un grave accident de la route, elle fait chaque jour de longs détours sur le chemin du travail afin d’éviter les lieux de la collision. Prendre le volant est devenu une épreuve. Anne a constamment l’impression de jouer sa vie. Elle arrive à l’école fatiguée et irritable, réveillée toutes les nuits par des cauchemars remplis de cris et de tôle froissée. Elle qui ne prenait jamais de médicaments a commencé à consommer des somnifères. En classe, le moindre bruit la fait sursauter. Constamment crispée, elle souffre aussi de maux de dos.
De mieux en mieux connu dans ses mécanismes et ses conséquences, le psychotraumatisme nécessite une approche thérapeutique ciblée. Celle-ci va permettre d’atténuer ou de supprimer les symptômes associés au psychotraumatisme : l’évitement (de lieux, de personnes), l’hypervigilance (attention et réaction excessive à certains bruits, odeurs...), les symptômes intrusifs (flash-back, cauchemars...) et la dissociation (déconnexion de son corps et/ou de ses émotions). À terme, elle aidera la personne à se reconnecter à elle-même et à ses ressources intérieures.
"La difficulté, c’est le diagnostic, avance Anne Verheyleweghen, psychologue clinicienne et psychothérapeute à la Clinique du trauma du CHU Brugmann. Le psychotraumatisme est souvent masqué par d’autres symptômes. On voit fréquemment des personnes qui pensent avoir surmonté leur traumatisme mais qui, face à des situations stressantes — en réalité des reviviscences du trauma —, se mettent à consommer des benzodiazépines, de l’alcool ou du cannabis. On soigne alors l’addiction, mais la dimension traumatique passe à la trappe..." Les personnes qui ont vécu un traumatisme – et notamment un traumatisme complexe dans l’enfance (violences psychologiques, physiques ou sexuelles répétées) – développent souvent un "syndrome de répétition" : de manière inconsciente, elles rejouent les situations à l’origine de leurs difficultés. "À l’âge adulte, ces personnes peuvent entrer dans une vie active tout à fait correcte mais rechercher parallèlement des relations amoureuses qui représentent des mises en danger, illustre Anne Verheyleweghen. On voit également des personnes qui ont du mal à nouer des liens, qui se disputent avec tout le monde et qui vont finir par identifier ces tendances comme des traits de caractère." De nombreux patients avec un traumatisme complexe développent aussi des troubles du sommeil (peur de s’endormir) ou des douleurs chroniques (fibromyalgie par exemple), sans que la cause traumatique soit identifiée.
Le syndrome de stress post-traumatique s’accompagne fréquemment d’une longue errance diagnostique. "Ce sont des personnes qui se retrouvent parfois avec 36.000 diagnostics et auront tendance à s’éparpiller tant dans leur parcours de vie que dans leur parcours de soins", commente Lauriane Fabry, également psychologue et psychothérapeute à la Clinique du trauma du CHU Brugmann. "Beaucoup ont reçu des diagnostics de dépression ou de bipolarité, ajoute Anne Verheyleweghen. Certaines peuvent même présenter des symptômes qui évoquent un trouble psychotique mais qui sont en réalité causés par la dissociation : lorsque le trauma est réactivé, leurs réactions peuvent sembler 'bizarres' et les amener à penser elles-mêmes qu’elles sont 'folles'."
Une fois le syndrome de stress post-traumatique identifié, un suivi individuel pourra être initié avec un psychothérapeute formé en psychotraumatologie. Lorsque la prise de médicaments (antidépresseurs par exemple) s’avère nécessaire, le patient pourra également être suivi par un psychiatre spécialisé. "L’objectif thérapeutique n’est pas le même pour chaque patient, raconte Anne Verheyleweghen. Dans le cas d’un traumatisme simple, comme un accident de voiture, il peut s’agir de reprendre le volant. Pour un caissier victime d’un braquage, retourner travailler. Pour une personne qui présente un traumatisme complexe, sortir du syndrome de répétition dans ses relations..." S’il n’existe pas de remède magique pour traiter le SSPT, différentes approches ont montré leurs bénéfices. "Plus que le type de thérapie, c’est le lien thérapeutique qui compte", résume Anne Verheyleweghen.
Parmi les outils fréquemment mobilisés, on trouve "le roman du trauma" ou l’élaboration d’une ligne de vie, "qui permet de replacer les événements traumatiques dans la trame biographique", explique Lauriane Fabry. Le psychothérapeute peut aussi s’appuyer sur les TCC (thérapies comportementales et cognitives), l’hypnose, l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou "désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires"), les approches psychocorporelles comme la sophrologie et la relaxation, les thérapies de groupe ou encore l’art-thérapie. "Le fait d’utiliser un média permet d’abaisser les défenses et d’accéder de manière moins violente à des émotions enfouies. L’art permet aussi de travailler l’image de soi, par exemple via l’autoportrait", commente Lauriane Fabry. Parallèlement, le travail de psychoéducation consiste à informer les patients des conséquences directes du trauma. "Cela permet de mieux comprendre le rôle et la fonction des symptômes, poursuit Lauriane Fabry, Faire de la psychoéducation permet de voir les symptômes en tant que tels, avec à la clef un potentiel changement."
Idéalement, un événement à risque de provoquer un syndrome de stress post-traumatique doit donner lieu à une prise en charge précoce. C’est ce que font notamment aujourd’hui en Belgique les CPVS (Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles), qui accompagnent les victimes d’agressions sexuelles et de viols. "Ce qui est déterminant, c’est la manière dont le récit de la victime est accueilli, y compris par les premiers intervenants comme les infirmiers, les ambulanciers, insiste Anne Verheyleweghen. Les réactions de l’entourage comptent aussi beaucoup. Chez les personnes qui ont subi un viol, il y a un grand sentiment de honte et de culpabilité : il est donc essentiel de ne pas couper la parole par des interpellations du type 'tu es sûre ? Tu crois vraiment que ?'" Dans d’autres événements potentiellement traumatiques (accidents de la route, attentats, catastrophes naturelles...), la prise en charge précoce permet aussi de repérer les personnes les plus à risque de développer un SSPT. "On sait notamment que les personnes qui présentent un symptôme dissociatif pendant ou après l’événement sont statistiquement plus exposées", souligne Anne Verheyleweghen qui insiste sur le fait que "la nature de l’événement ne détermine pas la gravité du SSPT." Certaines personnes auront ainsi beaucoup de difficultés à se remettre d’un événement perçu comme "peu grave" ou dont elles ont "seulement" été spectatrices.
Classiquement, on considère que le traitement du traumatisme complexe comprend trois phases : la stabilisation, la confrontation et la consolidation.
La stabilisation vise à retrouver une certaine tranquillité d’esprit et un sentiment de sécurité ici et maintenant.
La confrontation vise à traiter les souvenirs traumatiques, à réguler les émotions associées et à transformer les croyances négatives qui en résultent.
La consolidation se concentre sur la reconstruction afin que le patient puisse (re)trouver sa place dans le monde, (r)établir des relations saines et se (re)construire une image de soi plus positive.
Ces phases peuvent chacune durer de quelques séances à plusieurs années et ne sont pas forcément linéaires. Il peut y avoir des allers-retours, des phases d’avancée et de recul. Tout sauf un long fleuve tranquille, ce qui rend parfois difficile l’engagement du patient dans la thérapie. "J’utilise souvent l’image de la plaie purulente pour parler du psychotraumatisme, résume Anne Verheyleweghen. Le travail thérapeutique n’est pas agréable parce qu’on va venir gratter la plaie, changer plusieurs fois le pansement et parfois le pansement colle à l’intérieur... Mais à la fin, au lieu d’avoir une plaie, on a une cicatrice. La blessure est soignée." Bien sûr, une personne qui a eu un accident de train ne verra plus jamais les trains comme ceux qui n’ont pas vécu un tel accident. "Mais elle peut parvenir à vivre sans que le passé ne s’invite continuellement dans le présent", conclut Anne Verheyleweghen.