Médecine

Percée scientifique aux frontières de la mort

Longtemps considérées comme des phénomènes paranormaux, les EMI, ou expériences de mort imminente, fascinent. Aujourd’hui, des scientifiques de l’Université de Liège pensent avoir percé le mystère.

Publié le: 04 juin 2025

Mis à jour le: 04 juin 2025

Par: Florence Marot

2 min

Un médecin vérifie le coeur d'un patient couché dans un lit et relité à une machine respiratoire

Photo: ©AdobeStock

Que se passe-t-il aux frontières de l’au-delà ? Nul ne peut le dire avec certitude. Mais certaines personnes ayant échappé de justesse à la mort rapportent des expériences émotionnelles d’une rare intensité. Elles évoquent un sentiment de profond bien-être, la
sensation de quitter leur corps, de retrouver des proches disparus ou d’être attirées par une lumière vive au bout d’un tunnel. Ces récits, qui traversent les époques et les cultures, décrivent tous une expérience de mort imminente. 

Pendant longtemps, l’origine des EMI est restée mal comprise, souvent reléguée aux champs du spirituel ou du paranormal. Pour la science, il s’agit d’un domaine d’études relativement récent. 

En Occident, le médecin américain Raymond Moody popularise le concept en 1975 dans son best-seller "Life after life" ("La Vie après la vie"). Les premières publications scientifiques apparaissent dix ans plus tard. Cependant, "les recherches restent limitées", observe Charlotte Martial,neuroscientifique à l’ULiège. "Ce n’est qu’il y a 10-15 ans que l’intérêt scientifique pour les EMI a connu une accélération." 

Jusqu’à présent, la fragmentation des études entre plusieurs disciplines n’avait jamais permis d’expliquer totalement le phénomène. En mars dernier, le Dr Martial et ses collègues du Coma Science Group de l’ULiège ont publié un nouveau modèle théorique, "le premier à proposer une explication complète des différents mécanismes psychologiques et neurophysiologiques à l’oeuvre lors d’une EMI", souligne la chercheuse. Leur étude est parue dans la prestigieuse revue Nature Reviews Neurology.

Une réponse du cerveau à un stress aigu

Mais que se passe-t-il réellement dans le cerveau lors d’une EMI ? Les chercheurs liégeois ont rassemblé toute la littérature existante sur le sujet. Selon eux, ces expériences seraient induites par une "cascade de réactions neurophysiologiques et psychologiques, déclenchée par un stress aigu" — comme un arrêt cardiaque, un traumatisme ou des complications lors d’une opération.

Concrètement, "on observe une diminution de l’oxygène dans le cerveau et une activité accrue de différents systèmes de neurotransmetteurs. Ceux-ci (liés entre autres à la sérotonine, la dopamine, la noradrénaline et le glutamate) joueraient un rôle clé dans l’activation de certaines zones cérébrales, qui pourraient expliquer les visions et sensations caractéristiques des EMI", résume le Dr Martial. Certains traits cognitifs, comme la propension à la dissociation (un mécanisme par lequel un individu se distancie de certaines expériences ou émotions traumatisantes), favoriseraient également leur apparition. 

Pour le Coma Science Group, les EMI pourraient constituer une stratégie de survie. "Cet état de conscience altéré permettrait aux individus de faire face à une situation critique en se plongeant dans une réalité parallèle plus douce", suggère le Dr Martial.

Bouleversement intérieur

Bien que cette nouvelle théorie n’explique pas encore tout, elle ouvre de plus amples perspectives de recherche. "Nous disposons désormais d’hypothèses beaucoup plus précises qu’auparavant, qui peuvent servir de base à de futures études empiriques plus approfondies", se réjouit la chercheuse. Les scientifiques de l’ULiège espèrent également que leurs travaux contribueront à une meilleure prise en charge des patients ayant vécu une EMI. Car "ces expériences entraînent souvent une transformation intérieure profonde, qui peut parfois être difficile à vivre au quotidien", conclut-elle.