
Prévention
En Belgique, l’Institut des Sciences naturelles coordonne, en collaboration avec d’autres institutions, les investigations scientifiques au sujet des populations de phoques et de cétacés à proximité de nos côtes. Leurs constats nous informent et nous questionnent tant sur la santé des mammifères marins, que sur celle de la mer du Nord.
Publié le: 18 septembre 2025
Par: Valentine De Muylder
4 min
Photo: © Jan Haelters (IRSNB)
Les échoués. C’est le titre d’un rapport publié au début de cet été par l’Institut des Sciences naturelles. On y apprend notamment qu’en 2024, une septantaine de phoques communs et de phoques gris ont été retrouvés morts à la côte belge, souvent pris au piège dans des filets de pêche. Trente-six cadavres de marsouins communs ont également été découverts sur nos plages. Ces petits cétacés au museau (ou "rostre") arrondi sont apparus au large de nos côtes il y a une trentaine d’années, précise Jan Haelters, biologiste marin et auteur principal du rapport. Un déplacement de population vers le sud de la mer du Nord qui pourrait être lié, entre autres, aux conséquences du changement climatique sur le plancton, et donc sur la chaine alimentaire.
Les échouages permettent aux scientifiques, avec l’appui des administrations compétentes et de bénévoles, de mener une véritable enquête sur les changements qui s’opèrent sous la surface de la mer. S’interroger, sans vouloir d’emblée formuler des réponses toutes faites, est une composante essentielle [du processus scientifique], rappelle le rapport. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’élucider les mystères qui entourent les baleines, les dauphins et les phoques ». Un exemple : ces dernières années, de moins en moins de marsouins semblent avoir été victimes de l’appétit du phoque gris, alors que les observations et relevés aériens montrent que les deux espèces restent bien présentes dans la région… "[Les marsouins] ont-ils appris à éviter les phoques gris ? Ou bien ces derniers trouvent-ils suffisamment de nourriture différente ailleurs ?"
D’années en années, les indices récoltés par l’Institut permettent de mesurer l’impact des activités humaines sur les mammifères marins et de "planifier, dans le temps et dans l’espace, les activités en mer susceptibles de [les] déranger, voire de [leur] nuire physiquement." Dans un précédent rapport, notent les chercheurs, "nous avions constaté que dans les eaux belges, les densités de marsouins étaient significativement plus faibles à proximité des voies de navigation. Ce résultat a été confirmé dans une étude à plus grande échelle qui a combiné nos données avec celles provenant d'études similaires dans les eaux des pays limitrophes. (…) Les résultats ne nous ont guère surpris : les marsouins étaient perturbés par la navigation, un effet détectable jusqu’à une distance de près de 9 km."
Phénomène plus rare : un petit rorqual s’est échoué sur la plage d’Ostende en mai 2024 (voir photo). En bons détectives, les spécialistes des mammifères marins ont procédé à son examen post-mortem. L’autopsie a été confiée aux Facultés de médecine vétérinaire des universités de Gand et de Liège, qui collaborent étroitement avec l’Institut. Conclusion : séparé de sa mère pour une raison inconnue, le jeune mâle âgé de quelques semaines est mort de faim. "En 2013, nous avons investigué un autre individu qui s'était échoué à Nieuport, ajoutent les auteurs : il avait ingéré de grandes quantités de plastique qui l’empêchaient de s’alimenter."
Comme les mammifères marins se situent en haut de la chaine alimentaire, leur étude fournit de précieuses informations sur la santé de tout un écosystème. La recherche des substances polluantes présentes dans leurs tissus permet par exemple d’évaluer les risques pour la santé humaine liés à la consommation de poissons de mer. Limiter l’impact des activités humaines en mer ne profite donc pas qu’aux mammifères marins, mais aussi — de bien des manières — aux humains.
Le rapport (Haelters, J., Moreau, K. & Kerckhof, F., Les échoués. Mammifères marins en Belgique en 2024, Institut des Sciences naturelles, 2025) est disponible sur le site naturalsciences.be
Pour plus d'infos sur les observations de mammifères marins en Belgique et savoir que faire si vous trouvez un phoque ou un cétacé échoué, rendez-vous sur le site marinemammals.be