Culture

Dans la jungle de l’autisme

La bande dessinée "Jungle" offre une plongée en mots et en images dans une réalité longtemps restée dans l’ombre, celle de l’autisme au féminin.

Publié le: 23 avril 2025

Mis à jour le: 23 avril 2025

Par: Valentine De Muylder

3 min

BD "Jungle, une traversée de l’autisme au féminin"

Illustration: © Fanny Modena

Gabi a 26 ans lorsqu’elle apprend qu’elle est autiste. Un diagnostic qui l’effraie autant qu’il la libère, parce qu’elle comprend enfin ce qu’elle a cherché à masquer pendant toutes ces années : pourquoi elle a toujours "navigué un peu de travers", pourquoi on la trouve si souvent "bizarre"…  

Née de l’imagination d’Adélaïde Barat Magan et Justine Langlois, deux autrices elles-mêmes diagnostiquées autistes à l’âge adulte, la narratrice nous ouvre les portes de sa vie intérieure. Elle raconte son enfance parsemée d’obstacles invisibles, les rituels qui la rassurent, ses expériences amoureuses et ses premiers pas compliqués dans le monde du travail… Plein de symboles et de poésie, le dessin de Fanny Modena aide à saisir ce qui échappe aux mots et à se glisser dans l’esprit de Gabi, qu’elle compare à "une jungle, envahissante et indomptable". 

Les femmes sous-diagnostiquées

Les troubles du spectre de l’autisme sont des troubles neurodéveloppementaux de mieux en mieux compris. Pourtant, ils demeurent encore sous-diagnostiqués chez les femmes. Non seulement en raison de tests inadaptés, conçus par et pour des hommes, mais aussi des spécificités de l’autisme au féminin. "Ce qui diffère, résume Gabi, c’est la manière dont certaines caractéristiques autistiques s’expriment selon le genre, c’est-à-dire selon ce que la société impose aux femmes. Les femmes sont poussées à avoir une très forte capacité à masquer et à s’adapter. Leurs émotions doivent être contenues, elles apprennent dès le plus jeune âge à ne pas faire de vagues". Les conséquences sociales de l’autisme peuvent donc se faire plus discrètes chez les femmes, plus enclines à mettre en place des stratégies pour compenser leurs difficultés à décoder les pensées ou les émotions des autres. 

Un cerveau qui danse à son propre rythme

Parce que sa démarche est à la fois artistique et didactique, cette bande dessinée s’adresse autant aux personnes concernées par l’autisme qu’aux personnes curieuses de comprendre ce trouble au-delà des stéréotypes. Car les clichés restent tenaces, et les personnes autistes sont sans cesse amenées à devoir expliquer leur trouble invisible, mais néanmoins handicapant. 

Gabi déconstruit ainsi, une à une, les croyances et remarques les plus courantes auxquelles elle est confrontée : "T’as pas l’air autiste !", "Tu serais pas juste un peu hypersensible ?", "Et alors, t’as un QI de combien ?"... Pour tenter de mettre des mots simples sur sa différence, la jeune femme compare l’autisme à une "impro de jazz" au milieu de l’"orchestre millimétré" qu’est notre société : "Ça ne rend pas ma mélodie moins belle ! Juste unique et… euh… plus singulière. En gros, l’autisme c’est un cerveau qui danse sur son propre air et surtout à son propre rythme".