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Les femmes traitées dans une clinique du sein non agréée ont un risque 30 % supérieur d'en décéder que celles qui se font soigner dans une clinique du sein "coordinatrice". C'est l'un des constats alarmants d'une étude réalisée par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) en 2023. Dans la foulée, le ministre fédéral de la Santé annonce qu'à l'avenir, les étapes les plus complexes du traitement ne pourront plus avoir lieu que dans ces cliniques agréées.
Publié le: 23 mars 2023
Par: Joëlle Delvaux
5 min
Photo: © AdobeStock - Il importe que chaque patiente atteinte du cancer du sein soit prise en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée, ayant une solide expérience dans le traitement de ce type de cancer. La qualité des soins en dépend.
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent en Belgique. En 2020, il représentait 15 % de l’ensemble des nouveaux diagnostics de cancer et même 29 % des diagnostics de cancer chez la femme. Une femme sur neuf y sera confrontée avant l’âge de 75 ans, ce qui correspond à plus de 10.000 femmes par an. Face à un cancer du sein, les traitements sont choisis au cas par cas, en fonction du stade du cancer. Il importe que chaque patiente soit prise en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée, ayant une solide expérience dans le traitement de ce type de cancer. La qualité des soins en dépend.
C'est une des raisons pour lesquelles notre pays s'est doté, en 2007, d'une législation fixant des normes d'agrément pour les cliniques du sein. La clinique du sein doit disposer d'une équipe multidisciplinaire spécialisée comprenant au moins un équivalent temps plein infirmier et un mi-temps psychologue. Et son volume d’activité minimal doit être de 150 nouveaux diagnostics par an.
"Par la suite, le principe de cette concentration des soins a toutefois été érodé, regrette le KCE. Depuis 2014, une distinction est faite entre les cliniques du sein 'coordinatrices', tenues à un volume d’activité minimal de 125 nouveaux diagnostics par an, et les clini ques du sein 'satellites', qui doivent avoir une convention avec une clinique coordinatrice et un volume d’activité minimal de 60 nouveaux diagnostics par an". Cela étant, jusqu'à présent, le législateur n'a pas interdit aux cliniques non agréées de proposer des soins remboursés aux patientes atteints d'un cancer du sein. Cela devrait changer à l'avenir.
En 2018, 20 % des femmes atteintes d’un cancer du sein ont été traitées dans un hôpital ne disposant pas d’un agrément spécifique pour la prise en charge de ce type de tumeur. C'est le premier constat de la nouvelle étude réalisée par le KCE avec la Fondation Registre du Cancer et des experts cliniques, et qui porte sur 50.000 patientes. C'est donc loin d’être marginal. Et c'est aussi loin d'être anodin. L’immense majorité de ces sites non agréés n’atteignaient pas le seuil moyen de 60 nouveaux diagnostics par an. Et les patientes n’ont aucune garantie de bénéficier de l’encadrement et des services (para)médicaux qui relèvent d’une obligation légale dans les cliniques du sein agréées.
Second constat préoccupant : un tiers des cliniques du sein agréées n’atteignent pas les seuils d’activité requis. 3 cliniques coordinatrices restaient même en-deçà de 60 nouveaux diagnostics par an, tout comme 3 des 13 cliniques satellites.
"Il est très important que la prise en charge se déroule dans une clinique du sein agréée ayant un volume d’activité suffisant", affirme le KCE. L'effet du volume joue à plein effectivement : le risque de décès associé au cancer du sein est supérieur de 44 % chez les patientes traitées dans les cliniques à faible volume d’activité (moins de 60 diagnostics par an) et de 30 % chez les patientes traitées dans les cliniques à moyen volume (de 60 à 124 diagnostics par an) en comparaison avec celles qui sont prises en charge dans les cliniques à volume élevé (125 diagnostics par an ou plus). Cette donnée n’est d’ailleurs pas nouvelle : en 2012, une précédente étude du KCE tirait les mêmes conclusions.
"Il est inadmissible que les chances de survie d'une patiente atteinte d'un cancer du sein dépendent de l'établissement dans lequel elle est en traitement", déplore Elisabeth Degryse, Vice-Présidente de la MC qui partage la recommandation du KCE de réorganiser l’offre en veillant à préserver un bon équilibre entre la qualité des soins, leur disponibilité et leur accessibilité géographique. "Il est regrettable qu'il n'y ait actuellement pas de clinique du sein agréée dans la province de Luxembourg (une clinique du sein coordinatrice à l’hôpital d’Arlon et une clinique satellite à l’hôpital de Libramont viennent de recevoir un agrément provisoire de six mois NDLR)."
Elisabeth Degryse souligne aussi que le rapport du KCE constitue un signal important pour d'autres traitements (le cancer du pancréas ou la pose d'une prothèse de hanche par exemple) : concentrer l’expertise de soins est bénéfique pour la qualité des soins.
À la suite de ces constats, Frank Vandenbroucke, le ministre fédéral des Affaires sociales, a demandé à l'Inami d'adapter dès que possible les règles de remboursement : les cliniques du sein qui n’ont pas d’agrément ne pourront plus établir de plan de traitement pour ce cancer ni poser de diagnostic ni opérer. En revanche, les traitements de suivi (chimiothérapie, radiothérapie) pourront continuer à être donnés ailleurs, en collaboration avec les cliniques du sein agréées.
"Des soins de proximité là où c’est possible, des soins spécialisés là où c’est nécessaire", telle est la philosophie du ministre qui veut rendre la coopération plus efficace entre les cliniques du sein coordinatrices et les cliniques satellites. Quant au message qu'il adresse aux patientes, il est clair : "Si l'on vous diagnostique un cancer du sein, choisissez toujours un hôpital qui figure sur la liste des cliniques du sein agréées".