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Souvent décrié, l'aspartame s'est à nouveau retrouvé sous les feux des projecteurs après son classement comme "possible cancérigène". Faut-il en avoir peur ?
Publié le: 20 novembre 2023
Par: Barbara Delbrouck
3 min
Photo: © Adobe Stock - Même si le potentiel cancérigène de l'aspartame est confirmé, en consommer ne provoque pas d’office un cancer.
En juin, l'aspartame est classé pour la première fois comme possible cancérigène" par l'Agence internationale pour la recherche contre le cancer (IARC). En juillet, un autre comité d'experts (JEFCA) réaffirme que la consommation est sûre, tant qu'on respecte la "dose journalière admissible" de 40 mg par kilo. Soit 9 à 14 canettes de soda light par jour pour une personne de 65 kg ! Alors qu'en penser ? Tout est dans la nuance…
Le premier point d'attention est le caractère incertain de cet effet cancérigène. Parmi quatre niveaux de certitude, l’IARC a classé l'aspartame comme "possible cancérigène". En cause : la découverte d'une incidence plus élevée de cancers du foie chez les consommateurs. Toutefois avec un lien de cause à effet jugé insuffisant… Pour son analyse, l'IARC s'est basée sur des études de "cohorte prospectives", qui suivent un large échantillon de la population pendant de nombreuses années. "Dans ce genre d'étude, par ailleurs de qualité, il y a un risque de biais, explique Hélène Alexiou, experte en diététique à la Haute École Léonard de VINCI. On ne peut pas exclure que d'autres facteurs aient pu causer l'apparition du cancer chez ces personnes. En outre, le mécanisme expliquant l'effet cancérigène n'est pas très étayé." L'IARC a donc conclu que les données n'étaient pas assez convaincantes pour classer l'aspartame comme cancérigène avéré. Toutefois elle recommande la poursuite d'autres types d'études pour confirmer (ou pas) ce risque.
Dans l'UE, tous les produits qui contiennent des additifs doivent le mentionner par un "E" (E951 pour l'aspartame) sur l'étiquette.
Même si le potentiel cancérigène de l'aspartame est confirmé, comme c'est le cas par exemple pour l'alcool ou la charcuterie, en consommer ne provoque pas d’office un cancer. Mais le risque est augmenté en cas de prise importante et fréquente, pendant longtemps. Suffit-il alors de respecter la "dose journalière admissible" ? "Je ne me baserais pas sur cette dose qui est vraiment très élevée et qu'il est rare d'atteindre, même dans les études" nuance la diététicienne (voir encadré). En outre, il faut noter que la plupart des recommandations nutritionnelles déconseillent à présent les édulcorants en dehors d'un contexte de pathologie, comme le diabète". L'OMS a récemment publié un avis en ce sens, mettant en lumière les doutes sur leur efficacité pour le contrôle du poids et de potentiels effets indésirables à long terme, notamment cardiovasculaires, qui doivent toutefois être confirmés.
La population doit envisager d’autres moyens de réduire sa consommation de sucres, suggère l'organisation. Et par ailleurs réduire le goût sucré dans l’alimentation, dès le plus jeune âge. Dans la même optique, le calcul du Nutri-Score, qui indique la qualité nutritionnelle des produits, a été revu. Désormais, les boissons à base d'édulcorants seront moins bien notées. "Plus largement, il faut limiter les produits ultra-transformés car ils contiennent beaucoup d'additifs en tous genres, conseille Hélène Alexiou. Si chacun d'entre eux est étudié avec soin avant d'être autorisé, mieux vaut éviter d'y être surexposé en permanence…"
Notion de toxicologie, la DJA est la quantité d'un additif alimentaire qui peut être consommée chaque jour pendant toute la vie sans provoquer de risques significatifs pour la santé. Ce chiffre est obtenu par des études sur les animaux, à qui on administre la substance à des doses très élevées, pour déterminer "la dose sans effet observable (NOAEL)", c'est-à-dire la plus haute dose qui n'a pas d'effet nocif sur l'animal. Pour extrapoler à l'homme, on divise cette dose par 100 au minimum (le facteur de sécurité), ce qui donne la DJA.