Incapacité de travail
Facteur de risque cardiovasculaire, l'hypertension artérielle peut aussi favoriser le développement de certaines démences. Elle nécessite un diagnostic précis et une prise en charge personnalisée.
Publié le: 22 mars 2023
Par: Julie Luong
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Photo: © iStock
L’hypertension artérielle touche un Belge sur quatre mais environ un hypertendu sur deux l'ignore, d’après la Ligue cardiologique belge. Moins encore sont suivis et traités pour ce problème. Or l'hypertension artérielle constitue un risque cardiovasculaire majeur, aux côtés de l’excès de cholestérol, de l’obésité ou du diabète. Caractérisée par une pression anormalement forte du sang sur la paroi des vaisseaux, l'hypertension artérielle est en quelque sorte le "stress des artères". Au fil du temps, les parois s’abîment comme un tuyau d’arrosage constamment soumis à un haut débit. Bien qu'elle puisse entraîner de légers maux de tête, l’hypertension évolue généralement sans provoquer aucun symptôme, ce qui lui vaut le surnom de "tueur silencieux". Sa fréquence augmente avec l'âge : dès 40-45 ans, il est conseillé de se faire dépister une fois par an, en particulier si d’autres facteurs de risque cardiovasculaire sont présents et/ou s’il existe des hypertensions dans la famille.
Mesurer la pression artérielle n'est cependant pas aussi simple qu'il n’y paraît. "La pression artérielle est variable selon le moment de la journée mais aussi selon l'état de stress", rappelle le Pr Jean-Marie Krzesinski, chef du service de néphrologie au CHU de Liège. Le phénomène qui l'illustre le mieux est l’hypertension dite "de la blouse blanche", provoquée par le stress de la visite chez le médecin. Hypertendu pendant la consultation, le patient ne l'est pas dans la vie quotidienne et ne doit donc pas être traité. "Le caractère permanent de l’hypertension doit toujours être validé soit par une automesure de la tension à domicile, soit par une mesure sur 24 heures", insiste le Pr Jean-Marie Krzesinski.
À l'inverse, certains patients présentant une tension normale en consultation peuvent souffrir d’hypertension au quotidien. C'est le cas des patients qui oublient de prendre régulièrement leur traitement et ne s'en souviennent que quelques jours avant la consultation, ce qui fausse le suivi. "Le patient pense faire plaisir à son médecin en présentant des valeurs correctes à la consultation, mais ce n'est pas ça qui va le protéger des incidents cardiovasculaires."
Certaines personnes qui parviennent bien à contrôler leur hypertension en journée peuvent aussi souffrir à leur insu d'une hypertension nocturne. "En cas d'insuffisance rénale légère ou d'essoufflement lié à une hypertrophie ventriculaire gauche, il faut soupçonner une hypertension nocturne", détaille le Pr Jean-Marie Krzesinski. Normalement, la pression artérielle doit descendre de 10% à 20 % pendant la nuit : des valeurs normales autours de 135/85 mmHg (millimètres de mercure) en journée devront donc atteindre 120/70 mmHg. "L'absence de diminution – voire l'inversion des tendances – est associée à un risque accru de complications cardiovasculaires." Les causes fréquentes de l'hypertension nocturne sont les apnées du sommeil, l'insuffisance rénale ou encore un diabète mal équilibré.
On parle d'hypertension artérielle lorsque les valeurs dépassent 140/90 mmHg, soit une tension artérielle systolique (quand le cœur se contracte) de 140 mmHg et une pression artérielle diastolique (quand le cœur de relâche) de 90 mmHg. "L’idéal est de viser des valeurs plus basses, autour de 120/80 mmHg. Pour les personnes qui se trouvent juste au-dessus, par exemple à 135/85, on peut commencer par évaluer l’effet de mesures hygiéno-diététiques", détaille le spécialiste. Une meilleure gestion du stress, la pratique d’une activité physique régulière, la limitation de la consommation de sel et d'alcool, l’augmentation de l’apport en fruits et légumes peuvent, en effet, faire baisser légèrement les valeurs. Si cela ne suffit pas, il convient alors de discuter de l'opportunité de démarrer un traitement médicamenteux, en fonction de l’âge, du tabagisme, de la présence de cholestérol ou de diabète.
Pour les personnes qui sont clairement au-dessus des valeurs recommandées, un traitement médicamenteux est essentiel. Celui-ci suppose parfois l'association de plusieurs molécules. "Un médicament diminue de 10 mm la pression systolique et de 5mm la diastolique. Si on a des valeurs de 160/100, il faut donc descendre d’un côté de 20 et de l’autre de 10, donc dans l’idéal, il faut déjà deux médicaments. Mais si on est à 150/95, un seul médicament peut suffire", explique le Pr Jean-Marie Krzesinski. Les molécules classiquement utilisées pour combattre l’hypertension sont les inhibiteurs du système rénine angiotensine auxquels on associe soit des diurétiques, soit des antagonistes calciques. L'objectif est de normaliser la tension en trois ou quatre mois. "S’il n’y a pas effets secondaires après quinze jours, on augmente progressivement les doses afin d’arriver au meilleur résultat possible." Les patients hypertendus depuis longtemps ou plus âgés doivent en effet s'habituer à une tension plus basse. La tension en position debout doit être vérifiée, en particulier pour éviter les risques de chute liée à une tension trop basse lors des changements de position.
Si le traitement doit être pris quotidiennement – l'oubli des médicaments est la cause principale de l'hypertension mal contrôlée – le moment de la journée compte aussi. "Avant, on avait tendance à prendre tous les médicaments le matin pour ne pas les oublier, mais de plus en plus de travaux sur la chronopharmacologie montrent qu’il est important de choisir le moment où le patient prend son traitement – soir ou matin – en fonction de la manière dont il métabolise la molécule.”
L’hypertension artérielle peut aussi présenter un lien avec certaines démences. "Dans les maladies neurodégénératives comme Alzheimer, elle ne va pas provoquer la maladie mais elle accélère le processus, détaille le Pr Jean-Marie Krzesinski. Certaines personnes développent aussi des démences directement liées à une hypertension avancée et non traitée. En effet, celle-ci peut provoquer de petits infarctus dans la partie profonde du cerveau, des sortes de petits trous neurologiques détectables à l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) qui vont entraîner des déficits moteurs, des troubles de la mémoire ou de la parole. "L'origine de ces démences n'est pas toujours suspectée car au moment où les conséquences apparaissent, la pression artérielle est généralement assez basse. "Cela s'explique par les dégâts centraux portant sur les systèmes de contrôle de la pression artérielle, notamment l'hypothalamus. Mais trente ans avant, ces patients étaient hypertendus et n'ont pas été traités."
Enfin, si l'hypertension est considérée comme un facteur de risque pour les formes graves du covid-19, il faut préciser qu'on parle ici de l'hypertension mal contrôlée. "Un patient qui parvient à atteindre une tension normale grâce à son traitement n'est pas plus à risque que quelqu'un de ‘normotendu’, précise le Pr Jean-Marie Krzesinski. Ce n'est donc pas l'hypertension en elle-même qui est un facteur de risque, mais les atteintes cardiaques, rénales ou le diabète qui lui sont associés." Enfin, la vaccination contre le covid-19 peut induire une hypertension transitoire dans les jours qui suivent. "Il s'agit d'une réaction immunitaire normale qui provoque des douleurs musculaires, un petit état grippal et favorise une montée de la pression artérielle. S'il a des maux de tête, le patient peut vérifier sa pression artérielle et prendre un demi-comprimé en plus de son traitement pendant deux ou trois jours", conseille le Pr Jean-Marie Krzesinski.
• La mesure sur 24 heures
Les holters permettant de réaliser une mesure sur 24 heures sont des brassards connectés à un appareil d’enregistrement de la taille d’un téléphone portable : ils sont installés à l'hôpital. Pendant 24 heures, la tension est alors prise automatiquement une soixantaine de fois.
• L'appareil d'automesure
Certains médecins proposent le prêt d’un appareil d’automesure. Il est également possible de s'en procurer en pharmacie ou dans un magasin de matériel médical. Éviter les appareils vendus en grande surface qui ne sont pas toujours certifiés. Éviter également ceux qui prennent la mesure au niveau du poignet, car ils sont moins fiables. Pour réaliser un diagnostic, la tension doit être mesurée deux fois le matin au moment du petit-déjeuner et deux fois le soir au moment du souper, et ce pendant une semaine. Les mesures des six derniers jours (le premier jour étant considéré comme un jour “test”) sont ensuite additionnées et divisées afin de réaliser une moyenne.
L'appareil d'automesure peut aussi permettre de vérifier que la tension est bien contrôlée sur le long terme. "Si le patient possède son propre appareil, il peut mesurer sa tension par exemple une semaine par mois, en prendre note, et amener ces valeurs à son médecin lors de ses consultations", conseille le Pr Jean-Marie Krzesinski. Certains appareils connectés permettent aussi d’archiver les mesures sur son smartphone et/ou de les communiquer directement à son médecin via une application. La tension doit toujours être prise au calme, en position assise, le dos bien appuyé contre un dossier et toujours à la même heure.
• Opter pour une alimentation saine, notamment en limitant le sel et les graisses et en consommant suffisamment de fruits et légumes.
• Surveiller son poids.
• Bouger suffisamment : 30 minutes d’exercice physique modéré au moins trois fois par semaine.
• Limiter sa consommation d’alcool : maximum un verre par jour pour les femmes, deux pour les hommes.
• Eviter de fumer, car le tabagisme aggrave le risque d’artériosclérose (épaississement et durcissement de la paroi des artères) précoce.