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Désirer un enfant ne suffit pas toujours à en avoir un. Pour de multiples raisons, des milliers de personnes ont recours à la procréation médicalement assistée (PMA). Si les effets physiques des traitements peuvent être éprouvants, les difficultés psychologiques et sociales le sont tout autant, voire davantage quand bébé n’arrive pas.
Publié le: 18 avril 2023
Par: Soraya Soussi
7 min
Photo: © AdobeStock
"Le plus dur pour moi était l'appel téléphonique qui vous disait que ça n'avait pas fonctionné et qu'il fallait recommencer." Maria, 39 ans, a débuté une PMA il y a deux ans avec son ex-compagnon. Le couple s'est entre temps séparé. Elle a continué le parcours seule. L'attente, l'incertitude, l'impuissance, l'échec, la gestion des relations, la culpabilité... font partie des épreuves qu'affrontent les personnes qui entament un projet d'enfant via la procréation médicalement assistée (PMA). Chaque histoire est singulière, propre aux personnes, à leur situation (en couple ou seule) et aux expériences avec le corps médical. Mais s'il y a bien une dimension commune à ne pas négliger quand on se lance dans un parcours PMA, ce sont les effets psychologiques et sociaux qu'il implique.
Un couple hétérosexuel sur six rencontre des problèmes de fertilité, qui proviennent soit des hommes (30 %), soit des femmes (30 %), soit des deux (30 %) ou d'une raison inconnue (10 %) (1). "On considère qu'il y a un trouble de fertilité lorsqu'un couple ne parvient pas à concevoir un enfant, après au moins un an de rapports sexuels réguliers", précise la Pr Christine Wyns, gynécologue et spécialiste en médecine de la reproduction aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Face à une situation d'infertilité, certains couples font appel à la procréation médicalement assistée qui comprend l'ensemble des techniques médicales permettant la procréation "en-dehors du processus naturel", à savoir l'insémination artificielle et la fécondation in vitro (FIV) suivi du transfert d'embryons (2).
Le bilan de fertilité est la première étape pour déterminer le traitement adéquat pour la patiente ou le patient. Du côté masculin, le centre effectue un spermogramme qui détermine la qualité et la quantité de spermatozoïdes. En cas de doute ou de détection d'une anomalie (exemple : absence à première vue de spermatozoïdes), une analyse plus approfondie du sperme est opérée pour confirmer ou non l’absence de spermatozoïdes, appelée azoospermie. Les troubles de fertilité peuvent aussi s’expliquer par "des troubles hormonaux, d’anomalie du développement du testicule ou des voies excrétrices (qui évacuent) du sperme. Des facteurs environnementaux ou l’hygiène de vie influencent également fortement la qualité des spermatozoïdes." En effet, ils peuvent subir ce qu'on appelle un stress oxydatif (agression qui s'en prend aux cellules), provoqué par la pollution environnementale principalement, mais aussi par la consommation d'alcool, d’aliments riches en graisse et de tabac.
Le bilan de fertilité de la femme est beaucoup plus lourd : bilan hormonal, examen de réserve ovarienne, examen des trompes de Fallope, vérification des cycles d'ovulation... Ces examens permettent de vérifier si des facteurs mécaniques sont en cause (endométriose, fibrome, polypes, trompes bouchées, etc.). Sans surprise, l'âge de la femme reste l’un des facteurs les plus déterminants. Ce qui ne veut pas dire qu'une femme de plus de 35 ou 40 ans ne peut pas tomber enceinte. La probabilité de tomber enceinte en un an à 30 ans est de 75 %, à 35 ans de 66 % et à 40 ans, elle est de 44 %, rappelle une récente étude (3). "Les femmes âgées de 40 à 43 ans qui viennent en consultation pour une PMA chez nous ont une probabilité de grossesse qui ne dépasse pas 10 à 15 % par essai, quel que soit le traitement appliqué. Même si on effectue le traitement le plus poussé en PMA, comme la FIV, on ne pourra ramener le niveau de fertilité qu'au niveau de celui correspondant à l'âge de la femme", confirme la gynécologue.
Camille et Caroline se sont rencontrées il y a cinq ans. Elles avaient respectivement 32 et 35 ans. Caroline étant plus âgée, le couple a convenu qu'elle commencerait le projet de PMA. "Au bout d'un long parcours, sans succès pour mon ex-compagne, j'ai pris le relais, raconte Camille. Plusieurs amies autour de moi sont passées par la PMA et ont un enfant aujourd'hui. J'étais confiante. Mais la pression du temps qui avance, les échecs répétés et leurs impacts psychologiques ont eu raison de mon couple... et de ma santé mentale : j'ai fini par faire une dépression."
Maria aussi était pleine d'espoir : "Je n'avais pas encore 40 ans et ma mère n'avait pas eu de soucis pour avoir ses enfants. Même si je ne comprenais pas tout ce que les médecins me racontaient sur la PMA, je me disais qu'ils savaient ce qu'ils faisaient. Plus tard, j'ai compris que les choses n'étaient pas si simples."
De nombreuses personnes ne maîtrisent pas les étapes de la procréation et leurs mécanismes. L'incompréhension et la déception sont monaie courante lorsque la PMA ne fonctionne pas. "C'est pour cela qu'il est indispensable de bien expliquer chaque étape et ce par quoi les personnes vont passer, en fonction de leur situation, âge, etc. Un travail pédagogique est nécessaire", insiste le Pr. Wyns. Et de rappeler l’importance de la relation de confiance et de respect mutuel entre le soignant et le patient.
Malgré l'évolution des mentalités concernant la parentalité, des pressions sociales et de nombreux préjugés sur la fertilité persistent. "Certains couples arrivent déjà en consultation avec la culpabilité de ne pas savoir faire d'enfant 'naturellement'. C'est une blessure invisible, contrairement à une blessure physique, et qui n'est donc pas toujours reconnue", explique Sarah Colman, psychologue au centre de fertilité du CHU Saint-Pierre à Bruxelles.
Les "parcours PMA" peuvent durer plusieurs années durant lesquelles le projet de parentalité pèse lourd en termes de charge mentale : "Avec les injections d'hormones pour stimuler les ovaires, j'ai pris beaucoup de poids. L'estime de soi chute radicalement. En plus de cela, les hormones affectaient mes humeurs. On m'a parfois dit que j'étais peut-être trop instable émotionnellement et qu'il fallait que je lâche prise", confie Maria.
Lorsqu'un proche essuie les échecs durant le processus de PMA, l'entourage veut faire preuve d'empathie et le soutenir avec, certes, les meilleures intentions mais parfois en décalage avec ce que vit la personne. "Un projet de vie, quel qu'il soit, prend forcément beaucoup de place dans le quotidien. Impossible de ne pas y penser. Demander de lâcher prise à une personne en parcours PMA est inutile et source de stress supplémentaire pour elle", interpelle la psychologue. Certaines personnes ont besoin d'en parler, au risque de devoir parfois gérer les attentes des proches. D'autres préfèrent se taire. "C'est un choix qui appartient à la personne mais le mieux pour gérer la relation aux autres est d'expliquer ce qu'on attend d'eux", conseille Sarah Colman.
La dimension "organisationnelle" de la PMA implique également la gestion de la vie professionnelle. "Je n'avais pas forcément envie de partager mon projet d'enfant au travail, ne sachant pas non plus combien de temps cela allait durer, mais au vu du nombre de rendez-vous à l'hôpital que je devais effectuer, des absences à justifier, je n'ai eu d'autre choix que de le dire", regrette Maria.
En Belgique, pays pionnier, il existe 35 cliniques spécialisées dans la fertilité et la PMA. Mais toutes n'offrent pas les mêmes services : 17 centres s'occupent du diagnostic, de l'insémination et du prélèvement d'ovocytes et 18 centres pratiquent en plus la fécondation in vitro. (4) Si la législation est stricte en la matière (loi du 6 juillet 2007), les centres de fertilité ont des pratiques qui varient, notamment, en termes d'accueil (espaces dédiés exclusivement aux PMA afin de les séparer des services de maternité, par exemple), d'acceptation de prise en charge de femmes seules, de suivi psychologique, etc. Par exemple, le service de gynécologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc préfère rendre la première consultation psychologique obligatoire pour les couples qui débutent une PMA. Au CHU Saint-Pierre de Bruxelles, pas d'obligation de rendez-vous avec une psychologue, même si les spécialistes encouragent les patientes et patients à consulter au moins une fois. "Au départ, je n'étais pas convaincue, mais être accompagnée psychologiquement par une professionnelle au CHU Saint-Pierre m'a permis d'accepter et comprendre au fur et à mesure mes ressentis et à avancer", confie Camille.
Aujourd'hui, Maria a décidé d'arrêter la PMA. "Je laisse mon corps et mon esprit un peu tranquilles. Je ne sais pas si je reprendrai ce projet." Même chose pour Camille qui se laisse le temps de prendre du recul avant de se relancer, soit seule, soit accompagnée par un conjoint ou une conjointe à venir.
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