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Tout le monde a mal au dos au moins une fois dans sa vie. En général, les choses rentrent dans l’ordre d’elles-mêmes, mais certaines lombalgies peuvent devenir chroniques. Pourquoi ? Comment l’éviter ? Qui peut aller dans une école du dos et quels bénéfices en attendre?
Publié le: 25 janvier 2023
Par: Candice Leblanc
8 min
Photo: © AdobeStock
Avoir mal au dos, c’est comme avoir mal à la tête : ça arrive à tout le monde ! La plupart du temps, les lombalgies – c'est-à-dire les douleurs situées dans le bas du dos – sont sans gravité et disparaissent spontanément. Mais dans 10 à 15 % des cas, elles perdurent plus de trois mois ; elles sont alors considérées comme chroniques. "Nous ne sommes pas tous égaux devant ce risque de chronicité, explique la Dr Virginie Fraselle, responsable de l’École du dos des Cliniques universitaires Saint-Luc. Outre la cause de la lombalgie, la façon dont nous considérons celle-ci et y (ré)agissons influence beaucoup son évolution."
La lombalgie est un symptôme. Avoir mal au dos ne rime pas forcément avec maladie du dos – et vice versa. Il en existe, bien sûr. Les pathologies des disques intervertébraux – dont la fameuse hernie discale – sont parmi les maladies dorsales les plus fréquentes chez les moins de 40 ans. Chez les personnes âgées, les maux de dos trouvent souvent leur origine dans l’arthrose vertébrale qui, passé un certain âge, concerne tout le monde – sans que cela entraine forcément des douleurs. L’ostéoporose peut provoquer des fractures au niveau des vertèbres qui, elles non plus, ne sont pas toujours symptomatiques.
Une douleur dorsale ne vient pas non plus toujours du dos lui-même, mais peut s’inscrire dans le cadre d’une maladie générale. "Si vous présentez d’autres symptômes associés, mieux vaut consulter un médecin, recommande la Dr Fraselle. Fièvre, douleurs nocturnes, manque d'appétit, perte de poids inexpliquée, incontinence, perte de sensibilité dans les jambes – surtout si vous êtes immunodéprimé ou suivi pour un cancer – peuvent être le(s) signe(s) d’une maladie sous-jacente, dont la lombalgie n’est qu’une manifestation parmi d’autres. Des examens complémentaires sont alors nécessaires."
L’imagerie (radiographie, IRM, scanner, etc.) permet d’exclure certaines pathologies spécifiques (une fracture, par exemple). Mais dans la grande majorité des cas, ces examens ne montrent rien d’anormal et ne permettent donc pas de préciser l’origine exacte de la douleur. Et même en cas d’anomalies visualisées, celles-ci ne sont pas forcément à l’origine des douleurs. En effet, outre la colonne vertébrale et ses multiples connexions organiques, le dos est un ensemble complexe de muscles, de tendons et de nerfs qui interagissent les uns avec les autres. Identifier la source exacte d’une douleur est souvent une gageure !
Enfin, il n’est pas rare que les douleurs aient une composante musculaire et soient liées à un effort trop important par rapport à ce que le dos peut tolérer.
"Dans le dos, le diagnostic ne repose pas sur les seuls examens complémentaires, car les études ont prouvé qu’il n’y avait pas une bonne corrélation entre ce que révèle l’imagerie et les plaintes du patient, explique la Dr Fraselle. De la même manière, l’intensité, la présence ou même l’absence de la douleur ne sont pas non plus proportionnelles à la gravité. Souvent, les gens croient que parce qu’ils ont très mal, c’est très grave. Ce n’est pas si simple ! Certaines hernies discales et la plupart des cancers, pourtant visibles au scanner ou sur une IRM, sont indolores. Tandis qu’un simple lumbago, pas toujours en lien avec des anomalies visibles à l’imagerie et médicalement bénin, peut faire très mal !"
Ce qui aggrave souvent la lombalgie et peut la rendre chronique est cliniquement invisible : il s’agit des facteurs psychosociaux. "Les troubles dépressifs et anxieux secondaires à la douleur diminuent notre tolérance aux sensations douloureuses, explique la Dr Fraselle. Les fausses croyances et le catastrophisme (surestimation de la gravité d’une maladie et de ses conséquences) ont aussi une (mauvaise) influence sur les réactions des patients souffrant de lombalgie. Nombreux sont ceux qui pensent, à tort, qu’il leur faut du repos. Résultat : ils surprotègent leur dos et limitent, voire renoncent à certaines activités, par crainte de se faire mal." C’est ce qu’on appelle la "kinésiophobie", la peur de se faire du mal en bougeant. Or, à quelques exceptions près, peu de situations lombalgiques justifient un repos complet. C’est même contre-indiqué ! "Se ménager à l’excès est inutile – ça ne vous 'guérira' pas – et, surtout, délétère. Moins on bouge, plus on se déconditionne physiquement et musculairement, plus on aggrave la lombalgie et, surtout, ses conséquences !" En d’autres termes, n’en déplaise aux sédentaires, le repos est le pire ennemi du dos ! L’exercice physique, en revanche, est son meilleur allié… Ce crédo est au cœur de la prise en charge dans les écoles du dos.
Les écoles du dos sont des structures multidisciplinaires qui réunissent spécialistes en médecine physique et réadaptation, kinésithérapeutes, ergothérapeutes et psychologues. Les patients y bénéficient de 36 séances de deux heures (1) : un bilan préliminaire, trente séances de reconditionnement physique (sous forme d’exercices supervisés d’endurance et de musculation) et cinq cours psycho-fonctionnels sur la douleur chronique avec des conseils de postures et d’ergonomie, etc.
Peuvent y avoir accès les patients souffrant de lombalgie chronique, ayant subi une chirurgie du dos ou qui, suite à une décision du médecin-conseil, doivent être réorientés professionnellement, car leur lombalgie ne leur permet plus d’exercer leur profession. "Le candidat idéal pour l’école du dos ne doit pas être (trop) kinésiophobe et présenter un déconditionnement physique, commente la Dr Fraselle. D’un côté, il doit être capable et désireux d’être accompagné dans une reprise d’activités physiques. D’un autre côté, s’il a déjà une très bonne condition physique, l’école du dos risque de ne pas lui apporter grand-chose sur ce plan-là…"
Lors du bilan, les nouveaux patients sont vus systématiquement par le kiné et par la psychologue du service, afin de détecter et évaluer d’éventuels troubles anxieux ou dépressifs secondaires à cet état douloureux chronique. L’équipe essaie aussi de mettre à jour les fausses croyances que la personne entretient au sujet de son mal de dos afin, le cas échéant, de les battre en brèche. "Quand ils arrivent chez nous, la plupart de nos patients ont déjà un long parcours derrière eux et ont parfois perdu confiance en leur propre corps, explique la Dr Fraselle. Il y a donc tout un travail psychocorporel à faire avec eux."
Si l’école du dos a généralement une influence positive, il ne faut pas non plus en attendre des miracles. "Ce n’est pas la baguette magique d’Harry Potter, qui va faire disparaitre la douleur comme par magie ! prévient la Dr Fraselle. Certes, parfois, la lombalgie disparait. Mais ce n’est pas la majorité des cas." Mais alors, que peut-on attendre d’une revalidation à l’école du dos ? "Nous poursuivons deux grands objectifs. Primo, récupérer une plus grande autonomie et un meilleur confort au quotidien. La douleur peut rester présente, mais limitera moins la personne dans ses activités, qu’elles soient professionnelles ou de loisir. Deuxio, nous l’éduquons sur ce qui améliore ou accentue ses symptômes et ce qu’il peut faire au quotidien pour mieux gérer son problème de dos. Car, à défaut de modifier l’intensité de la douleur de la personne, il est possible de diminuer la place qu’elle prend dans sa vie et ses pensées. Ce qui, de facto, l’aide à vivre mieux avec sa lombalgie."
(1) L’Inami ne rembourse l’école du dos qu’une seule fois au cours de la vie.
Comment éviter la chronicité ?
Dans le dos comme ailleurs, mieux vaut prévenir que guérir !L’enjeu d’une lombalgie est donc d’éviter qu’elle récidive ou, pire, ne devienne chronique – ce qui la rend beaucoup plus difficile à traiter. Pour ce faire, quelques conseils :