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Face aux petites et grandes épreuves de la vie, la littérature offre tantôt un refuge, tantôt un miroir dans lequel se reconnaître. Romans initiatiques, témoignages, ouvrages de développement personnel... : chacun peut trouver le genre qui lui correspond, seul ou avec un peu d'aide.
Publié le: 15 mars 2021
Par: Aurelia Jane Lee et Sandrine Cosentino
8 min
Photo: © iStock
Chercher un réconfort dans la lecture, conseiller un bouquin à un ami ou raconter une histoire à son enfant... L'idée que lire peut aider à comprendre ce que l'on vit est à la base de la bibliothérapie. Ce concept commence à faire parler de lui en France dans les années 2000, notamment grâce au philosophe Marc-Alain Ouaknin et à la romancière Régine Detambel, qui y consacrent chacun un essai (1). Outre-Atlantique, la discipline a plus d'un siècle : "La bibliothérapie est apparue vers 1916 aux États-Unis, durant la Première Guerre mondiale, qui a laissé derrière elle un nombre faramineux de blessés psychiques", raconte Christilla Pellé-Douël dans Ces livres qui nous font du bien (2), un recueil qui foisonne de suggestions de lectures pour toutes les circonstances de la vie.
"La bibliothérapie, c'est prendre soin d'une personne à travers des livres, explique la bibliothérapeute Eloïse Steyaert (3). C'est l'apaiser, créer un mieux-être, l'accompagner avec des pistes de réflexion, en vue d'amener des prises de conscience ou des déclics." Si certains se tournent naturellement vers la lecture pour adoucir un chagrin ou faciliter un processus de deuil, d'autres auront besoin d'un guide. Le bibliothérapeute est aussi là pour ouvrir le dialogue autour du livre, revenir sur les émotions qu'il a suscitées. "Je préfère le terme de 'médiatrice', précise Eloïse Steyaert, c'est-à-dire que je suis là pour faire le lien entre des livres et des personnes, les faire se rencontrer, entrer en résonance."
Les livres font appel à l'imaginaire et apportent avant tout un sentiment d'évasion. "Dans certains cas, ce 'voyage immobile' est vraiment thérapeutique, par exemple pour les personnes enfermées dans une chambre d'hôpital, pour qui la lecture va représenter une distraction salutaire, ou pour les personnes dépressives, à qui elle offre une possibilité de se projeter dans le futur et de se libérer des ruminations. Du-rant le confinement, souligne Eloïse Steyaert, la lecture a permis à certains de sortir mentalement de leurs quatre murs."
Les vertus de la littérature sont innombrables : par un processus d'identification, elle facilite le contact avec les émotions ; elle donne aussi du recul et peut soutenir dans une démarche d'affirmation de soi et d'émancipation. Certains textes purement informatifs (un essai ou un récit historique) peuvent susciter une prise de conscience et amener à reprendre le pouvoir sur sa vie ou aider à régler un problème relationnel. Au travers d'un témoignage ou d'une fiction, on se sent aussi moins seul, moins "anormal". "Lire sert parfois simplement à mieux se connaître, tout en ouvrant une porte sur le monde", résume la bibliothérapeute.
En Marche vous propose une sélection d'ouvrages sur les thèmes de la guérison, de la résilience, de l'accompagnement en fin de vie... Avec humour, délicatesse, franchise ou poésie, les auteurs offrent à travers leur témoignage des clés pour dépasser la souffrance ou la maladie.
(1)"Bibliothérapie. Lire, c'est guérir", Marc-Alain Ouaknin, Éd. Seuil, 1998 et "Les livres prennent soin de nous : pour une bibliothérapie créative", Régine Detambel, Éd. Actes Sud, 2015
(2) "Ces livres qui nous font du bien", Christilla Pellé-Douël, Éd. Marabout, 2017
(3) lemotquidelivre.be
En une succession de courts chapitres, MyriamDepaux égrène le quotidien de son père diabétique, et retrace les dernières années de sa vie. Fille unique, divorcée, elle est la seule personne à pouvoir s'occuper de lui, la seule à contacter en cas d'urgence. Devenu incontinent à la suite d'un cancer, amputé d'un pied, puis des deux, Willy n'a que 71 ans et dispose encore de toute sa tête. Pas question de quitter la maison et de sacrifier le peu d'autonomie qui lui reste.
Comment faire pour continuer à vivre chez soi ? Entre les hospitalisations d'urgence, l'achat d'une tribune, la recherche - bien vite abandonnée - d'une maison de repos et de soins, le choix d'une aide familiale, sa fille décrit avec pudeur mais sans euphémisme chaque étape franchie, chaque épreuve surmontée. Avec une note d'humour lorsqu'elle exprime les frustrations, l'agacement et les peurs qui la traversent, avec délicatesse lorsqu'elle évoque les questions douloureuses ou indiscrètes.
Et puis, il y a Perlimpinpin, un chat errant que Willy a adopté et dont la présence adoucit les dernières années de vie marquées par la maladie. Un témoignage touchant et joliment écrit dans lequel beaucoup d'aidants proches se retrouveront.
Qui va s'occuper du chat ? • Myriam Depaux • Éd. Edilivre • 2020 • 143 p • 13,50 EUR
Les petites fleurs printanières, bleues au cœur jaune, appelées myosotis, sont aussi surnommées poétiquement "ne m'oublie pas". Un titre évocateur aux multiples facettes pour le premier roman graphique d'Alix Garin. Tout en subtilité et avec un brin d'humour, elle y aborde la maladie d'Alzheimer et ses difficultés à la vivre, tant pour les personnes qui en souffrent que pour leurs proches. Elle évoque aussi la nostalgie de l'enfance et le besoin de retourner à ses racines.
Clémence, la petite fille de Marie-Louise, ne supporte pas de la voir dépérir en maison de repos. Sur un coup de tête, elle décide d'emmener sa grand-mère "faire un petit tour". Sur fond d'enquête policière, l'héroïne raconte dans les moindres détails ce périple improvisé et inconscient de trois jours. Entre moments de lucidité et périodes déconnectées à la réalité, Mamycha n'a qu'une envie : revoir ses parents dans la maison d'Avenne-sur-Mer, en France.
Dans ce récit intime mais pas autobiographique, Alix Garin transmet aux lecteurs beaucoup d'émotions à travers ses dessins qui sont parfois plus évocateurs que les mots.
Ne m'oublie pas • Alix Garin • Éd. Le Lombard • 2021 • 224 p • 22,50 EUR
Beyrouth, Liban. Ce sont les années 90, Jad a treize ans, il est élève au collège international, où sa mère travaille en tant que femme de ménage. Sa famille n'a pas beaucoup de moyens, mais Jad met tous ses espoirs dans ses études et rêve de remporter le concours d'histoire. Un matin, cependant, tout bascule, l'adolescent agresse un de ses condisciples avec un couteau. Comment en est-il arrivé là ? C'est ce que les chapitres suivants, qui remontent le temps, vont permettre de comprendre.
Premier roman de Racha Mounaged, belgo-libanaise qui a vécu toute son enfance à Beyrouth, La blessure trace le portrait d'un enfant sensible et intelligent aux prises avec les drames de la vie, dans un pays lui-même très éprouvé. Bien que traitant de thèmes douloureux - guerre, traumatismes, fracture sociale... - le livre s'achève sur une note lumineuse et une leçon de résilience. Alors qu'il semble avoir tout perdu, Jad va retrouver l'espoir et le sens de sa vie grâce à un compagnon au centre de rééducation.
Une histoire empreinte d'humanité et de poésie qui permet en outre de lever un voile sur un pays qu'on connaît peu. Un pays encore déchiré par des crises économiques, politiques et humanitaires, et revenu sur le devant de la scène médiatique à la suite de l’explosion qui a frappé le port de Beyrouth en 2020.
La blessure • Racha Mounaged • Éd. Complicités • 2020 • 167 p • 13 EUR
Il n'est pas aisé d'aborder un sujet aussi sensible que le suicide. Questionner la vie et la mort provoque d'emblée chez les lecteurs des émotions exacerbées. Cette lecture ne laissera donc personne indifférent.
Elodie Haslé illustre, au travers de 12 parcours de vie, des traumatismes qui peuvent avoir des impacts de génération en génération, essentiellement quand il s'agit de secret de famille. Hommes, femmes ou enfants, du Moyen-Âge à nos jours, ces personnages fictifs commettent l'acte irrémédiable du suicide, de manière assumée ou sous forme déguisée.
À travers ces histoires, basées sur des faits réels, l’auteure propose une interprétation tout à fait personnelle des causes du suicide où la dimension transgénérationnelle est très présente. Elle espère ainsi permettre au lecteur d'appréhender les pensées suicidaires et de mieux en comprendre le cheminement.
Le livre se termine par un essai qui propose des repères statistiques, des explications sur les transmissions transgénérationnelles, l'exploration des souffrances de l'individu et des pistes dans la prévention du suicide.
Les suicidés • Elodie Haslé • Éd. Le Scalde • 2020 • 290 p • 22 EUR
Dans ce récit sous-titré Parcours de vie d’un créatif encombrant, Adrien Devyver expose avec humour et sans tabou la façon dont il a apprivoisé, au fil des années, un trouble de l’attention et une hyperactivité (TDA/H) restés longtemps non diagnostiqués. Il emmène le lecteur au cœur de son quotidien, depuis son enfance dans le Brabant wallon jusqu’aux coulisses de la RTBF.
L’animateur télé cède parfois la plume à des amis, des collègues, des parents, ainsi qu’à ses anciens enseignants et à divers soignants (diététicienne, spécialiste du sommeil, ostéopathe...). Il partage aussi, au terme de chaque chapitre, ses "petites combines", balayant tous les thèmes, de la scolarité à la vie de famille, en passant par le sport, l’alimentation, et la relaxation.
Le ton est vif et joyeux, à l’image de l’auteur, dont le témoignage est encourageant pour toutes les personnes concernées par le TDA/H. Un trouble qui, bien compris et accepté, peut se révéler une source de richesse également.
On m’appelle la Tornade • Adrien Devyver • Éd. Kennes • 2020 • 186 p • 19,90 EUR