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Dans son roman graphique "Impénétrable", Alix Garin partage son récit intime à propos du vaginisme, un trouble sexuel courant mais encore peu connu.
Publié le: 22 septembre 2025
Par: Soraya Soussi
5 min
Photo: (c)AdobeStock // Les troubles sexuels, comme le vaginisme, ne sont pas sans conséquences sur la vie relationnelle et affective du couple.
"T'es sûre que ça va ?", demande le compagnon d'Alix. "Oui", répond-t-elle en serrant les dents. Alix a mal depuis quelques temps durant les rapports sexuels. Ses douleurs s'intensifient à force d'insister… Jusqu'au jour où elle n'en peut plus. Elle ne veut plus de ce sexe qui la brûle de l'intérieur. Alix Garin, bédéaste belge a sorti en septembre dernier son album, "Impénétrable". Un voyage intime qui explore son long parcours pour diagnostiquer le vaginisme et la vulvodynie dont elle a souffert pendant plusieurs années. Avec "Impénétrable", Alix Garin ouvre la voie vers le dialogue dans les couples, mais aussi entre patientes et soignantes pour poser des mots sur des troubles de santé sexuelle peu traités car encore tabous, même dans le milieu médical.
Non, le vaginisme n'est pas un nouveau courant de pensée, mais un trouble sexuel courant chez les femmes. Il peut parfois être confondu avec une pathologie proche comme la vulvodynie. Bien les diagnostiquer est important pour adopter les bons traitements, prévient Silke Vasseur, gynécologue à la Clinique du périnée du CHU Saint-Pierre.
Le vaginisme provoque une contraction involontaire des muscles du périnée, qui rend la pénétration difficile, voire impossible. Cependant, ce n'est pas la contraction elle-même qui crée les douleurs, mais le fait de forcer la pénétration.
La vulvodynie se manifeste par une douleur externe, localisée à l'entrée du vagin et au niveau des lèvres, déclenchée par un contact physique ou même par son anticipation. La douleur est alors immédiate au toucher. Elle peut survenir dès le premier rapport sexuel ou plus tard, après une période d’activité sexuelle sans problèmes. "Dans les cas de vulvodynie, le cerveau n'a pas de 'rétro-contrôle' de la douleur. Il a enregistré, par erreur, que toucher cet endroit faisait mal."
Par ailleurs, une vulvodynie, des lésions, une infection, etc. peuvent provoquer une dyspareunie, c’est-à-dire une douleur lors de la pénétration, qui est un symptôme d’une de ces pathologies.
Le vaginisme est souvent la conséquence d’une mauvaise éducation sexuelle ou de son absence, selon Silke Vasseur. Certaines femmes ne connaissent pas du tout l'anatomie de leurs organes génitaux. Elles peuvent imaginer leur vagin trop étroit ou trop serré et croire, inconsciemment, que "rien ne peut y entrer".
Les non-dits et les tabous qui entourent la sexualité dans certaines familles peuvent aussi créer une peur de l'acte, créant un blocage qui contracte le muscle. Enfin, comme la vulvodynie, le vaginisme peut survenir à la suite d’un traumatisme (abus sexuel, grave infection, opération chirurgicale, un décès, etc.). Parfois, la psyché déploie des mécanismes de protection comme une amnésie, par exemple, à la différence du corps qui peut se souvenir d’un événement malheureux bien plus tard et déclencher des troubles au niveau de la santé sexuelle. Certaines thérapies comme l'EMDR (psychothérapie par mouvement oculaire pour traiter les traumatismes) sont nécessaires pour soigner la pathologie.
Les troubles sexuels, comme le vaginisme ou la vulvodynie, ne sont pas sans conséquences sur la vie relationnelle et affective du couple, et de la personne qui en souffre. "On peut se sentir seule et anormale quand le corps ou une partie du corps dysfonctionne, sans comprendre la raison. Ce qui amène à une baisse de l'estime de soi."
Pour Alix Garin, le cycle infernal de ces douleurs a fait chuter sa libido, jusqu'à rendre le désir inexistant. "Quand on est avec la personne que l'on aime, c'est extrêmement culpabilisant de ne plus avoir envie de faire l'amour", confie la bédéaste. Un fossé se creuse entre les partenaires. Chaque geste tendre de son copain crispe Alix qui ne supporte plus d'être touchée. Elle se sent coincée et leur rapport au sexe devient tabou. À la fois, la peur de le perdre grandit.
Selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens en France, 6 à 15 % des consultations en sexologie concernent le vaginisme. Mais la prévalence de cette pathologie auprès des femmes reste difficile à estimer, allant de 5 à 17 % selon des études américaines et anglaises. Une fourchette plutôt large qui s’explique par le manque de données précises sur un trouble en particulier. Les études concernent souvent les inconforts et douleurs sexuelles de manière générale. Par ailleurs, le vaginisme reste sous-diagnostiqué.
Malgré une libération de la sexualité féminine, des tabous autour de la santé sexuelle persistent tant dans la sphère privée que dans le milieu médical, pointe la gynécologue. "De nombreux gynécologues ne sont pas formés aux troubles liés à la santé sexuelle. Ce sont des pathologies qui sont davantage rencontrées par les sexologues. Or, pour diagnostiquer un cas de vaginisme, il suffit parfois d'effectuer un examen physique en vérifiant la réaction du muscle du périnée."
Le vaginisme étant une contraction inconsciente des muscles, le travail auprès d'un kiné spécialisé sera nécessaire pour en venir à bout. Se faire accompagner d’un sexologue pour mieux comprendre son anatomie, le fonctionnement des muscles pelviens (possible aussi avec l'aide d'un kinésithérapeute), etc., peut également faire partie du traitement, selon Silke Vasseur. Elle insiste également sur l'importance d'intégrer le partenaire au processus de guérison. "Il faut être conscient que forcer ne fera qu'empirer le trouble. Tout comme mettre une certaine pression psychologique n'aboutira à rien de bon non plus. Il est possible d'explorer sa sexualité autrement que par la pénétration, par exemple." Quand le vaginisme s’accompagne d'une autre pathologie, comme la vulvodynie, la guérison peut être longue et faire appel à plusieurs spécialités : gynécologues, psychologues, sexologues, urologues, kinés, sage-femme…
Pour guérir, il a d'abord fallu mettre des mots sur les maux d'Alix Garin. En d'autres termes, être diagnostiquée. Son parcours vers la guérison l'a également amenée à se questionner sur le rapport au couple, à la façon de faire l'amour, à écouter les envies et besoins de son corps... En voulant se soigner, elle a pu s'émanciper d'une série d'injonctions liées à la vie sexuelle, relationnelle et affective. Un "lâcher prise" salvateur qui a pu, entre autres, guérir ses troubles intimes.