Santé mentale

Déconnexion au travail : une question d'équilibre

Se déconnecter en dehors de ses heures de travail est un droit. Mais dans les faits, les outils numériques ont brouillé la frontière entre vie privée et professionnelle.  Plutôt que de vouloir la rétablir à tout prix, la neurologue Inge Declercq conseille de s’aménager des moments de déconnexion sur mesure.

Publié le: 28 août 2025

Mis à jour le: 28 août 2025

Par: Julie Luong

7 min

un homme se repose dans l'herbe

Photo: (c)AdobeStock // La clé n’est plus de séparer vie pro et perso, mais de choisir quand se déconnecter.

Se déconnecter en dehors de ses heures de travail est un droit. Mais dans les faits, les outils numériques ont brouillé la frontière entre vie privée et professionnelle.  Plutôt que de vouloir la rétablir à tout prix, la neurologue Inge Declercq conseille de s’aménager des moments de déconnexion sur mesure.

Que celui qui n’a jamais consulté une dernière fois ses e-mails avant d’aller dormir jette la première pierre à son collègue... Les outils numériques, la généralisation du télétravail depuis le Covid et la culture de l’immédiateté ont rendu très floue la séparation entre vie privée et vie professionnelle. Difficile de se déconnecter lorsque notre smartphone sert à la fois à gérer ses contacts privés, à communiquer avec l’école des enfants et à se réunir sur Teams avec les collègues... D’où la sensation oppressante de ne jamais vraiment "décrocher", une situation délétère pour les relations, le bien-être et la santé. "Les neurosciences ont démontré que le stress chronique, notamment lié au travail, est associé à un risque accru de troubles de la mémoire, de difficultés de concentration, de brouillard mental, d’irritabilité, voire de difficultés à contrôler ses émotions, et à plus long terme, de burn-out ou même de maladie d’Alzheimer ", rappelle la neurologue Inge Declercq dans "Quand votre cerveau dit pause"

Vie pro et vie perso : la séparation impossible 

Et pourtant, vouloir à tout prix maintenir le travail hors de son temps privé – et inversement – se révèle souvent inopérant, engendrant frustration et culpabilité. Pour Inge Declercq, il faut sortir de cette dualité. "Ce n’est pas un échec de pas savoir séparer parfaitement les choses"explique-t-elle à En Marche, invitant à embrasser comme une opportunité les aménagements permis par le télétravail. Choisir d’arrêter de travailler à 16h pour s’occuper de ses enfants, quitte à se remettre devant son ordinateur après le dîner, n’est pas nécessairement dommageable : "C’est OK de finir ce rapport à 21h, à condition d’être dans un équilibre et de le faire en toute sérénité, en prenant ensuite le temps de pratiquer à nouveau une déconnexion physique et mentale"commente la spécialiste. Retravailler le soir ne signifie pas que vous êtes un mauvais conjoint, un mauvais parent ou mal organisé. À l’inverse, accomplir quelques tâches domestiques pendant votre temps de travail ne signifie pas que vous êtes un mauvais travailleur ! "Est-ce vraiment un problème de remplir une machine à laver ou d’aider votre enfant à faire ses devoirs pendant que vous travaillez à la maison ? Être consciencieux est une qualité, mais culpabiliser parce qu'on fait une pause pour des tâches domestiques engendre un stress inutile."

Micro-pauses

Plutôt que de courir après une séparation entre la vie professionnelle et la vie privée, Inge Declercq invite à rechercher "un équilibre de la déconnexion". Cela implique en premier lieu d’acquérir une culture des pauses — ou plutôt des micro-pauses. Il suffit en effet de deux ou trois minutes toutes les 30 à 45 minutes pour régénérer son cerveau, réduire son niveau de stress, diminuer la fatigue en fin de journée, augmenter ses performances et sa productivité. Se lever, aller à la fenêtre, regarder l’horizon, pratiquer quelques étirements ou exercices de respiration, se servir un verre d’eau lentement... Ces simples gestes sont particulièrement utiles avant ou après une réunion virtuelle, qui exige beaucoup de ressources d’attention. "Mais attention, la pause numérique n’en est pas une !", souligne Inge Declercq. Prendre son téléphone au moindre moment d’inactivité est un réflexe pour nombre d’entre nous : en moyenne, les études montrent que nous le regardons 80 fois par jour ! Or, on sait que chaque interruption demande environ 4 à 5 minutes pour retrouver une pleine concentration... "Si vous consultez votre smartphone 40 fois au cours de votre journée de travail et que chaque consultation vous fait perdre quatre minutes, cela représente 160 minutes, soit plus de 2,5 heures par jour !", illustre la neurologue. Abandonner ce mauvais réflexe pour des micro-pauses saines et en conscience peut donc considérablement améliorer votre productivité et vous rendre un sentiment de contrôle sur votre emploi du temps. "Avoir besoin de prendre son téléphone à tout moment est un drapeau rouge, souligne Inge Declercq. Cela veut dire que le cerveau est en surcharge et qu’il est temps d’agir.

"Deep work", les heures sacrées 

Par ailleurs, s’il y a un temps pour être connecté et un temps pour ne pas l’être, il n’est pas le même pour tous ! "Nous avons tous un chronotype qui détermine quand on a tendance à se lever, à se coucher, mais aussi comment on fonctionne pendant la journée. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais quelque chose qui est partiellement déterminé de manière génétique"détaille Inge Declercq. Ainsi, les lève-tôt auront leurs meilleures idées et leur meilleure capacité de concentration entre 8 et 11h, tandis que les couche-tard seront généralement plus performants après 15h. "Il y a aussi des personnes de type neutre qui peuvent avoir des plages optimales à ces deux moments"précise la neurologue qui invite chacun à identifier le moment de la journée où il se sait le plus productif. "L’idéal est de se créer une plage de calme d’au moins deux heures dans la journée où l’on communique explicitement à ses collègues que l’on ne souhaite pas être dérangé." On pourra ainsi se consacrer à une session de "deep work", autrement dit un travail en profondeur, sans être interrompu. "Le but est de sacraliser ce moment en éliminant aussi les distractions que l’on se crée soi-même, ajoute Inge Declercq. Mais bien sûr, il faut parfois un peu réentraîner cette capacité de concentration, surtout quand on a développé une dépendance au smartphone." Ranger son téléphone dans un tiroir ou dans une autre pièce) peut être un premier pas. À chaque séance, vous devriez voir vos capacités s’améliorer...