Prévention

La gératrie préventive pour ne pas vieillir trop vite

La gériatrie dite préventive vise à détecter au plus tôt les complications liées au vieillissement. Objectif : en freiner l’évolution, voire les résorber et, ainsi préserver qualité de vie et autonomie le plus longtemps possible.

Publié le: 19 octobre 2025

Mis à jour le: 19 octobre 2025

Par: Candice Leblanc

7 min

un médecin s'adresse à une dame agée

Photo: (c)AdobeStock // L'enjeu : intervenir avant que des complications n’interfèrent avec la vie quotidienne et ne limitent l’autonomie de la personne âgée.

Asma est l’archétype de la retraitée dynamique : entre ses cours de céramique, son club de marche nordique, ses sorties cinéma et ses petits-enfants dont elle s’occupe tous les mercredis, son agenda est bien rempli. "Et j’aimerais que ça continue comme ça le plus longtemps possible ! s’exclame cette ancienne enseignante de 68 ans. Je n’ai pas envie de finir comme ma sœur ainée qui, à 73 ans, a dû aller en maison de repos… Moi, je veux rester chez moi le plus longtemps possible." Raison pour laquelle Asma a pris rendez-vous à la Clinique S’Agesse du CHU Brugmann. "C’est ma diabétologue qui m’en a parlé, raconte-t-elle. Sur le moment, j’ai été un peu vexée ; certes, je ne suis plus toute jeune, mais de là à aller voir un gériatre ! Cela me semblait un peu prématuré."   

La "vieille" image de la gériatrie 

De fait, dans l’inconscient collectif, la gériatrie est associée aux personnes (très) âgées et fort affaiblies, pour ne pas dire grabataires. "Il est vrai que, souvent, dans la pratique, les gens font appel à nous quand l’état de santé et/ou l’autonomie de la personne âgée se sont déjà dégradés, concède Murielle Surquin, cheffe du service de gériatrie du CHU Brugmann. Et tant les bilans gériatriques réalisés en hôpital de jour que les unités d’hospitalisation de gériatrie accueillent majoritairement les plus de 75 ans. Mais c’est une vision réductrice de notre spécialité médicale ! Nous militons justement pour faire savoir au grand public – et aux autres médecins – qu’il ne faut pas attendre la dégradation ou un problème de santé aigu pour s’adresser à un ou une gériatre !" 

En effet, après l’autonomie totale, les personnes qui prennent de l’âge passent par une période de "fragilité gériatrique" qui est le stade précoce de la cascade de la dépendance. Or, à ce stade justement, la situation est encore réversible… si l’on met en place des interventions ciblées. "De nombreuses complications liées au vieillissement peuvent être retardées, freinées, résorbées, voire évitées si elles sont détectées précocement ou anticipées", confirme la Dr Surquin. Tel est l’enjeu de la gériatrie préventive : intervenir avant que ces complications n’interfèrent avec la vie quotidienne et ne limitent l’autonomie de la personne âgée. 

Les principaux défis du vieillissement 

Il existe une grande variété de problèmes liés au vieillissement. Ils affectent les individus à des degrés divers et tendent à s’entremêler. En voici quelques-uns : 

  • Les chutes : près d’une personne de plus de 65 ans sur quatre (23,5 %) a chuté au cours des douze derniers mois, selon Sciensano. Ce qui peut entrainer une perte d’autonomie et une cascade de complications qui, in fine, diminuent la qualité, voire l’espérance de vie. Les chutes peuvent être dues à des troubles sensoriels (une mauvaise vue, des vertiges, etc.), certains médicaments, un environnement inadapté (tapis, faible luminosité, encombrement du domicile, etc.) ou encore à la sarcopénie,une diminution progressive et généralisée de la masse, de la force et de la qualité des muscles. 

  • La (sur)consommation de médicaments : 42 % des plus de 65 ans prennent plus de 5 médicaments par jour. Or, les doses et la fréquence des prises ne sont pas toujours adaptées, il y a parfois des interactions médicamenteuses et, bien sûr, des effets secondaires indésirables. Sans oublier les benzodiazépines, prescrites à l’excès dans notre pays et qui induisent toute une série d’inconvénients.  

  • La dénutrition et la déshydratation sont d’importants facteurs de risque de complications, notamment à l’hôpital. 

  • Les troubles cognitifs (troubles de la mémoire, de la concentration, confusion, etc.) peuvent être causés par des maladies neurodégénératives type Alzheimer ou Parkinson, mais aussi par certains traitements ou encore par la dépression, sous-diagnostiquée et, donc, sous-traitée chez les séniors.   

  • La perte d’audition et les troubles de la vue peuvent être limitées ou freinées grâce à des traitements adaptés (lunettes, prothèses auditives, etc.).   

  • L’incontinence urinaire et/ou fécale altère la qualité de vie. Ici encore, une prise en charge précoce fait la différence. 

Démystifier et responsabiliser

Ces dernières années, un nombre croissant d’hôpitaux mettent donc sur pied des structures similaires à la Clinique S’Agesse du CHU Brugmann. La Clinique de la fragilité du CHR Sambre-et-Meuse, à Namur, l’une des premières du genre, accueille depuis 2020 les personnes de plus de 65 ans sujettes aux syndromes gériatriques. Et à l’hôpital de la Citadelle de Liège, le Centre du bien vieillir s’adresse spécifiquement aux 55-74 ans. Ces structures visent toutes à "démystifier les phénomènes du vieillissement, explique la Dr Surquin. En effet, il importe que chaque personne soit bien informée à ce sujet afin de devenir 'partenaire de ses soins'. Nous nous adressons donc à une patientèle soucieuse de sa santé et prête à s’y impliquer." 

Un grand check-up 

Bien qu’ils aient chacun leurs spécificités et leur fonctionnement, tous les centres de gériatrie préventive proposent un bilan diagnostique multidisciplinaire. Les personnes intéressées peuvent y prendre spontanément rendez-vous – sans prescription de leur médecin traitant. Elles y rencontrent d’abord le ou la gériatre pour une première consultation. De nombreux thèmes et paramètres sont passés en revue : les antécédents, bien sûr, mais aussi la mobilité, la mémoire, le moral, la vue et l’audition, les traitements en cours, la qualité du sommeil, l’alimentation, l’activité physique, l’aménagement du domicile, les objectifs de vie, etc. 

Selon les cas et les plaintes déjà présentes, des examens et bilans spécialisés sont prescrits et réalisés – soit le jour même, soit à une date ultérieure. C’est l’avantage de l’hôpital : tous les spécialistes médicaux et paramédicaux (kinés, ergothérapeutes, (neuro)psychologues, diététiciennes, audiologues, etc.) sont "à portée de main" et la personne soucieuse de mieux vieillir peut les rencontrer sur la même (demi-)journée. 

Un plan d’action personnalisé

Ce check-up très complet a pour objectif d’élaborer un plan d’action à mettre en place pour prévenir, pallier et/ou résorber les problèmes qui risquent de se poser à l’avenir. "C’est du sur-mesure, explique la Dr Surquin. Cela va de la remise à l’activité physique à des modifications du régime alimentaire, en passant par des recommandations vaccinales, des suivis spécialisés pour les maladies chroniques, de nouvelles lunettes, des aménagements du domicile, etc." Il ne s’agit pas de révolutionner le mode de vie, mais plutôt de maintenir, voire de développer les capacités intrinsèques de la personne et d’opérer de petits changements. Mis bout à bout et dans la durée, ils peuvent faire une grande différence. Car quitte à vivre plus longtemps, autant vieillir mieux, non ?