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Le gouvernement fédéral a fini par s'accorder sur un deuxième volet de réforme du système des pensions. Il concerne essentiellement les conditions d'accès à la pension minimum garantie. Des périodes de travail effectives seront davantage exigées.
Publié le: 01 septembre 2022
Mis à jour le: 18 juillet 2024
Par: Joëlle Delvaux
7 min
Photo: ©Belpress
La Vivaldi s'était engagée à porter le montant minimum de la pension légale à 1.500 euros par mois (hors index). Cette promesse a été tenue : la pension minimum devrait avoisiner les 1.630 euros nets le 1er janvier 2024… à condition que le travailleur puisse justifier d'une carrière complète de 45 années.
Dans une seconde étape, il s'agissait de revoir les conditions d'accès à cette pension minimum. Avec l'objectif affiché de "mieux récompenser le travail", comme l'expliquait le Premier ministre Alexander De Croo lors de la conférence de presse tenue le 19 juillet 2022. La ministre fédérale des Pensions, Karine Lalieux, insistait, quant à elle, sur un second objectif : "Réduire les inégalités subies par les femmes dans les pensions en raison de leur présence massive dans les emplois à temps partiel."
Actuellement, une durée minimale de 30 ans de carrière comme salarié et/ou indépendant est nécessaire pour accéder à la pension minimum (une carrière de 30 ans à temps plein donne droit à 30/45e de la pension minimum, soit 1.085 euros bruts par mois). Le gouvernement ajoute une condition de travail effectif : au moins 16 ans de travail effectif à temps plein, 20 ans à 4/5e temps ou 32 ans à mi-temps sur l'ensemble de la carrière (5.000 jours à temps plein ou 3.120 jours à 4/5e temps sur une carrière complète de 14.040 jours, équivalent à 45 ans). Il souhaite appliquer cette nouvelle condition dès le 1er janvier 2024 en exonérant d'office les personnes qui ont plus de 60 ans à cette date. Des dispositions transitoires sont prévues pour les travailleurs de 54 ans et plus qui ne remplissent pas les conditions de la pension minimum.
Le gouvernement prévoit d'alléger la condition de travail effectif pour les travailleurs ayant connu des périodes d’invalidité. Maximum 5 ans d'incapacité de travail seraient assimilés à du travail. Au-delà, la condition de travail effective diminuerait progressivement. D'autres périodes seront aussi assimilées à des jours de travail : le congé de maternité, le congé pour soins palliatifs, les périodes de reconnaissance d'une situation de handicap par la DG handicap. Les formulations imprécises laissent planer un doute sur ce qui sera réellement assimilé au travail. Il semble en tout cas que les périodes de chômage, de prépension et de crédit-temps de fin de carrière en seront exclues, ce que dénonce la CSC dans un communiqué de presse. "Le propre du système des pensions est de reposer sur une carrière que nul ne peut recommencer. (...) Apparemment, le gouvernement considère qu’il y a désormais des épreuves de la vie dont on peut tenir compte et celles qui ne comptent pas. C’est une atteinte grave à la reconnaissance des périodes assimilées."
"La pension des femmes est en moyenne 33 % moins élevée que celle des hommes, rappelle Karine Lalieux sur son site internet. Le gouvernement a décidé de corriger partiellement cette injustice", ajoute-t-elle. Il prévoit d’introduire une formule de calcul plus favorable pour les personnes ayant connu une période de travail à temps partiel avant 2001, et ce pour une durée maximale de 5 ans.
Pour la CSC, cette mesure correctrice qui porte sur le passé n'aura des effets que temporaires et ne résout pas le faible niveau de pension des femmes. Énéo, pour sa part, estime que cette revalorisation n'est qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Le véritable problème réside dans l'exigence de 45 ans de carrière pour percevoir la pension minimum garantie. Le mouvement social des aînés a toujours mis en garde sur le "calcul au prorata" qui, dans les faits, réduit fortement le montant que perçoivent de nombreux pensionnés et pensionnées en particulier.
L'accord contient une autre mesure qui vise à augmenter le taux d'emploi des travailleurs âgés : la réintroduction du bonus pension que le gouvernement Michel avait supprimé en 2015. Ce bonus devrait se situer entre 2 à 3 euros par jour ouvré et permettre au travailleur d'augmenter quelque peu le montant de sa pension mensuelle en travaillant jusqu'à 3 ans de plus. Mais seuls sont concernés les travailleurs qui poursuivent le travail après l’âge légal de la pension (65 ans actuellement) ou qui décident de ne pas prendre la pension anticipée à laquelle ils ont droit (actuellement, la pension anticipée est possible à 60 ans et 44 ans de carrière, 61, 62 ans et 43 ans de carrière, 63 ans et 42 ans de carrière.). Les syndicats n'étaient pas demandeurs de cette mesure. Des études empiriques menées dans d’autres pays indiquent que ce genre de mesure n’incite pas à allonger la carrière. Elle constitue en fait une aubaine pour des personnes qui disposent généralement déjà de bonnes conditions de pensions.
L'accord est le fruit d'un âpre compromis entre les partis de la Vivaldi. Il est d'ailleurs loin d'être abouti. De nombreuses zones d'ombre, incohérences et imprécisions subsistent dans la note du Kern, et ce sont les détails qui peuvent faire toute la différence… Par ailleurs, d'autres dossiers importants – comme l’amélioration de l’accès à la pension anticipée ou la pension à temps partiel – restent en souffrance, faute d'accord.
La CSC estime que la réforme ne valorise pas le travail mais dévalorise les périodes assimilées. Ceux qui travaillent ne verront pas leur pension augmenter. Cet accord répond avant tout à une logique essentiellement budgétaire sans vraie vision sociétale, analyse le syndicat chrétien. Un point de vue partagé par Énéo qui dénonce le carcan réglementaire que se sont imposé les États membres de l'Union européenne. La protection sociale est ainsi devenue une pure variable d'ajustements budgétaires qui empêche toute réforme ambitieuse.