Alimentation

Le jeûne, c'est bon pour la santé ?

De plus en plus populaire, le jeûne intermittent permet à certaines personnes de mieux contrôler leur poids, entre autres effets bénéfiques pour la santé. Mais gare à l’effet yoyo et aux dérives. 

Publié le: 22 avril 2025

Mis à jour le: 22 avril 2025

Par: Julie Luong

7 min

un réveil devant une personne prenant son repas

Photo: (c)AdobeStock // Depuis l'Antiquité, le jeûne est connu comme un remède efficace à de nombreux maux.

Depuis quelques années, le jeûne intermittent est devenu une pratique populaire. Une tendance que Gabriel Perlemuter, chef du service hépato-gastro-entérologie et nutrition à l’Hôpital Antoine- Béclère à Clamart et auteur de "Jeûner en mangeant" (Flammarion/Versilio, 2024), interprète comme une réaction à un climat "obésogène". "Dans nos sociétés, tout nous pousse à manger, analyse-t-il : la publicité dans les rues, dans les médias, sur internet, les réseaux sociaux de plus en plus friands de cuisine, les étals des commerces, des boulangeries, des pâtisseries, l’air du temps qui est à la consommation, toute l’économie capitaliste qui nous encourage à 'bouffer', puis à prendre des médicaments pour soigner les dégâts occasionnés."  Mais le jeûne puise aussi ses racines dans des pratiques très anciennes. "Le jeûne est très présent dans les religions, explique André Van Gossum, gastroentérologue et consultant à l'Hôpital Universitaire de Bruxelles Érasme, par exemple à travers le carême ou le ramadan, qui sont perçues à la fois comme des périodes d’effort et de purification." Par ailleurs, le jeûne est pratiqué depuis l’Antiquité dans un objectif curatif : au 4e siècle av. J.-C., Hippocrate, le "père de la médecine", considérait déjà le jeûne comme un remède efficace à de nombreux maux.

Méthode 16/8 ou 5/2

Aujourd’hui, c’est souvent un objectif de perte de poids qui motive le jeûne intermittent et plus particulièrement la méthode 16/8, qui consiste à prolonger le jeûne physiologique de la nuit. "Nous jeûnons tous naturellement entre 10 et 12 heures par jour, rappelle André Van Gossum. C’est d’ailleurs bien pour ça que l’on parle de 'dé-jeuner'." Dans la méthode 16/8, le jeûne physiologique sera étendu jusqu’à une durée de 16 heures, ce qui signifie qu’en pratique, il faut sauter un repas, soit le souper, soit le petit-déjeuner. Il existe par ailleurs une autre manière de pratiquer le jeûne intermittent (méthode 5/2), qui consiste à restreindre ses apports caloriques de manière significative deux jours par semaine et à manger normalement les cinq autres jours. "Plusieurs études montrent que ces techniques peuvent aider les gens à perdre du poids, poursuit André Van Gossum. Plutôt que de faire attention tout le temps, certaines personnes préfèrent en effet concentrer leurs efforts." 

Pour Gabriel Perlemuter, l’atout du jeûne intermittent par rapport aux régimes restrictifs classiques est de ne diaboliser aucun aliment : "Tout l’intérêt du jeûne intermittent réside dans le fait de pouvoir se permettre des erreurs parce qu’elles seront ensuite compensées", explique-t-il. Le jeûne intermittent entraînerait ainsi moins de frustrations et de compulsions alimentaires. "Le problème, c’est qu’on va généralement s’y tenir quatre ou six semaines et puis arrêter, avec un risque d’effet yoyo. Il faut donc toujours se faire accompagner par un professionnel", souligne de son côté André Van Gossum. Sortir d’une période de jeûne intermittent nécessite en effet de la prudence : "Il est indispensable de se surveiller, d’abord en mangeant le plus possible de légumes pour entretenir le microbiote qui est l’un des facteurs à l’origine de la reprise de poids, explique Gabriel Perlemuter. Ensuite en surveillant sa balance pour s’appliquer à nouveau une diététique saine quand celle-ci commence à déraper." Pour maintenir les bénéfices obtenus, le spécialiste conseille ainsi de maintenir une routine de jeûne intermittent d’un ou deux mois, par exemple après les fêtes de fin d’année et/ou après l’été. 

Des effets sur le métabolisme

Mais que se passe-t-il dans notre corps quand nous nous privons de nourriture ? "Physiologiquement, on peut rester jusqu’à 40 jours sans manger, rappelle André Van Gossum. C’est un mécanisme adaptatif hérité de nos ancêtres qui n’avaient pas nécessairement la possibilité de manger tous les jours." 

Au niveau métabolique, le jeûne provoque rapidement une diminution de la sécrétion d’insuline, une hormone produite par le pancréas pour transformer le sucre que nous ingérons en énergie. L’organisme va ensuite puiser dans les réserves qu’il s’est constituées sous forme de glycogène, soit de longues chaînes de sucres stockées dans le foie et dans les muscles. Lorsque ces réserves sont épuisées, il va se tourner vers une autre source d’énergie, les graisses, qui vont alors produire des corps dit "cétoniques" (cétogenèse), qui ont un effet anti-inflammatoire. Mais attention, comme le cerveau est incapable d’utiliser les acides gras comme sources d’énergie (il lui faut du sucre), l’organisme va aussi puiser dans les muscles. C’est pourquoi, en cas de jeûne, il est indispensable de faire de l’exercice pour préserver sa masse musculaire. 

Par ailleurs, certaines études montrent que le jeûne intermittent a des effets positifs sur la santé cardiovasculaire et sur différents facteurs métaboliques, comme la baisse du taux de graisses (cholestérol et triglycérides) dans le sang. D’autres études montrent qu’il permettrait de mieux lutter contre le vieillissement cérébral et globalement d’améliorer les marqueurs de vieillissement. Ces effets seraient liés au processus dit d’autophagie, c’est-à-dire à la capacité de chacune de nos cellules à dégrader elle-même les déchets qu’elle produit. Or ce processus d’"auto-nettoyage" diminue avec l’âge, ce qui favoriserait notamment les maladies neuro-évolutives comme la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer. 

Pour autant, le jeûne n’est la panacée : il ne convient pas à tout le monde (voir encadré) et, sans suivi médical, il peut entraîner des carences nutritionnelles. Par ailleurs, le jeûne est au cœur de certaines pratiques sectaires, comme l’a épinglé le dernier rapport de la Miviludes (Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) paru en avril 2025. Les stages "particulièrement onéreux" qui allient jeûne extrême et randonnée sont spécialement pointés du doigt, tout comme les promesses de guérison grâce au jeûne. 

Pas pour tout le monde !

Enfin, le jeûne n’est pas indiqué chez tout le monde ! Voici les situations dans lesquelles il est à proscrire : 

- Chez les moins de 12 ans.

- Chez les adolescents qui ne sont pas en surpoids.

- Chez les femmes enceintes et allaitantes. 

- Chez les femmes qui ont un projet de grossesse et qui ne sont pas en surpoids : le jeûne pourrait impacter la fertilité.

- Chez les personnes qui ont des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie).

- Chez les diabétiques de type 1.

- Chez les plus de 70 ans qui risquent une perte musculaire trop importante (sarcopénie).