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Alors que la résistance aux antibiotiques progresse à l’échelle mondiale, des chercheurs belges viennent de découvrir des mécanismes inédits dans la défense bactérienne, ouvrant potentiellement la voie vers un nouveau type d'antibiotiques.
Publié le: 19 octobre 2025
Par: Julien Marteleur
2 min
Photo: (c)AdobeStock // L’équipe du professeur Jean-François Collet (UCLouvain) a publié une étude qui remet en question un modèle établi depuis des décennies.
L'antibiorésistance est sans doute l’un des plus grands défis de santé publique de ce siècle. Le phénomène survient lorsque des bactéries deviennent insensibles aux traitements antimicrobiens, rendant certaines infections difficiles, voire impossibles à soigner. Selon une étude publiée dans The Lancet, plus de 39 millions de personnes pourraient mourir directement d’infections résistantes aux antibiotiques d’ici 2050. Si l’on tient compte des décès indirects (comme une urgence médicale non traitable à cause de l'antibiorésistance par exemple), ce chiffre frôlerait les 170 millions…
C'est dans ce contexte préoccupant qu'une avancée scientifique belge ouvre de nouvelles perspectives. L’équipe du professeur Jean-François Collet, chercheur à l'Institut de Duve (UCLouvain) a publié dans Nature Microbiology une étude qui remet en question un modèle établi depuis des décennies.
Concrètement, lorsqu’une bactérie est attaquée (par un antibiotique par exemple), elle implose. Pour résister aux agressions, elle construit des fortifications comportant plusieurs lignes de défense. Une de ces lignes de défense, appelée peptidoglycane, forme une structure rigide, sorte de squelette extra-cellulaire. Jusqu’ici, les chercheurs pensaient que le peptidoglycane était le principal rempart contre les agressions extérieures. Et les antibiotiques étaient "programmés" pour le cibler spécifiquement.
Mais les travaux de l’UCLouvain montrent qu'en fait, les trois couches qui composent l’enveloppe bactérienne agissent ensemble pour assurer la protection de la cellule. "À l'instar des trois mousquetaires, elles agissent en coordination et forment un système intégré, explique le Pr Collet. Comme ces trois couches sont unies, fragiliser l’une d’elles — sans distinction — affaiblit l’ensemble. Cette découverte pourrait permettre de développer de nouveaux antibiotiques capables de cibler l’enveloppe bactérienne dans son ensemble, et non une seule de ses composantes."
Malgré ces avancées, le développement de nouveaux antibiotiques reste sous-financé. "Les grands groupes pharmaceutiques se désintéressent du domaine, déplore le chercheur de l'UCLouvain. Ces médicaments coûtent des milliards à développer et ne sont pas vendus très cher. En plus, ils doivent sans cesse être renouvelé, car l'antibiorésistance les rend vite inefficaces."
Ce désengagement industriel freine l'essor de nouvelles molécules, alors que les bactéries, elles, évoluent rapidement. "Plus on les expose aux mêmes médicaments, plus on tue les bactéries sensibles et on laisse les résistantes se multiplier", avertit Jean-François Collet. Ce phénomène de sélection naturelle favorise les souches les plus robustes, qui se propagent et consolident le phénomène d'antibiorésistance.
Le Pr Collet insiste sur l’importance de réaliser un effort collectif, à la fois scientifique, politique et sociétal, pour préserver l’efficacité des traitements existants. "Même si nous développions de nouveau médicaments demain, l’antibiorésistance persistera, car c’est dans la nature des bactéries de s'adapter, précise le chercheur. L’enjeu, c’est d’éviter que cette adaptation ne progresse pas trop rapidement."
Et le professeur de rappeler que l’histoire de la lutte de l'Homme contre les bactéries est récente : "Notre espèce évolue sur cette planète depuis 200.000 ans et cela fait à peine 80 ans que l’on sait se défendre contre les bactéries. Si on ne se retrousse pas les manches, on risque de se retrouver dans une ère 'post-antibiotiques', où une simple infection pourrait être fatale, comme avant la découverte de la pénicilline…"