Incapacité de travail
Contraction des mots "chant" et "signe", le "chansigne" permet de partager le sens, le rythme et la poésie d’un morceau de musique en langue des signes. Les festivals de l’été sont de plus en plus nombreux à accueillir sur scène des chansigneurs et chansigneuses.
Publié le: 07 juillet 2023
Par: Valentine De Muylder
4 min
Photo: © Shon Jacobs
Il y a vingt ans, des interprètes en langue des signes montaient pour la première fois sur la scène des Francofolies de Spa. Depuis, d’autres festivals, dont LaSemo, ont emboité le pas. Avec leurs mains, leurs corps et les expressions de leurs visages, les chansigneuses et chansigneurs ont à cœur de donner à la musique une dimension supplémentaire. De quoi contribuer à rendre ces rendez-vous culturels plus accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, tout en ouvrant au public entendant les portes de leur univers.
"Il y a une poésie du geste, raconte Christiane Broekman, de l’association Muzik’en Signes, qui interprète depuis dix-sept ans le rendez-vous musical spadois. On va amplifier certains signes, les exécuter d’une certaine manière pour que le résultat soit fluide." Cette interprète professionnelle, qui coordonne également l’interprétation en langue des signes du journal télévisé de la RTBF, insiste sur l’important travail de préparation que nécessite une telle performance. "Cela se travaille très différemment d’un JT, explique-t-elle. Après avoir appris par cœur la chanson d’origine, il faut procéder à son analyse linguistique, la transposer en langue des signes et y mettre du rythme, de l’émotion... Cela devient chorégraphique."
"C’est presque une danse", estime également Cindy Baraté, qui se produit chaque année sur les scènes de LaSemo et des Solidarités. Contrairement à l’équipe de Muzik’en Signes, elle n’est pas interprète professionnelle. Comédienne et musicienne de formation, elle est enseignante pour des enfants sourds et a trouvé dans le chansigne un moyen de concilier ses différents métiers. Sa démarche est donc un peu différente : "Je me considère comme une chanteuse en langue des signes. Je n’ai aucune forme de neutralité. Quand je monte sur scène, c’est de l’art." Une discipline artistique qui se prête qui se prête à tous les styles de musique, puisque Cindy Baraté a déjà "chansigné" sur du rap, du slam, du métal, ou encore aux côtés d’un orchestre philharmonique, dans le cadre d’une performance sans paroles.
Pour Daniel Marenne, responsable des interprètes aux Francofolies de Spa, le chansigne a le don de faire vivre la musique "en 3D" et de créer du lien. Il se souvient non seulement d’avoir été témoin de belles interactions sur scène, mais aussi d’avoir été impressionné de voir des milliers de personnes applaudir en langue des signes, en agitant les mains. En plus de favoriser l’accès des personnes sourdes ou malentendantes à certains concerts, le chansigne a donc pour effet de sensibiliser le reste du public à l’importance et à la beauté de la langue des signes.
L’Unisound festival, du 25 au 27 juin à Court-Saint-Etienne, est entièrement consacré aux personnes en situation de handicap. Pour se rendre accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, il prévoit notamment l’interprétation des concerts en langue des signes par l’équipe de Muzik’en Signes, mais aussi une boucle à induction pour diffuser la musique dans les appareils auditifs, des ballons pour ressentir les vibrations, etc.
Le festival LaSemo, du 7 au 9 juillet à Enghien, proposera deux concerts chansignés par jour. Cindy Baraté s’y produira notamment aux côtés de Pierre De Maere, Tryo et Henri Dès. Le festival annonce également sur son site la présence de traducteurs bénévoles, des conférences en langue des signes, ainsi que des boucles à induction sur certaines scènes.
Aux Francofolies de Spa, du 20 au 23 juillet, les interprètes de Muzik’en Signes accompagneront entre autres les concerts de Mentissa, Loïc Nottet, ou encore "La fête à Cali", concert de clôture de Cali entouré d’amis.
Les Solidarités, à Namur, prévoient également des concerts chansignés par Cindy Baraté le dimanche 27 juillet.
À découvrir sur YouTube : les interprétations de la chanson "La grenade" de Clara Luciani par le groupe de chansigneuses françaises Les Mains Baladeuses, ou encore par la comédienne Clémence Colin, valent le détour. Cette dernière forme avec le chanteur Samuel Genin le groupe Albaricate, dont le morceau "Monsieur Firmin" est également un plaisir pour les yeux et les oreilles. Ces chansignes, et bien d’autres, sont à découvrir en vidéo sur YouTube. Qui sait, peut-être vous surprendrez vous bientôt à fredonner certains refrains… avec les mains.