Mélatonine : une alternative aux somnifères ?
En 2022, 1 Belge sur 5 a consommé un somnifère ou calmant pour dormir. C'est 22 % de moins qu'en 2014. Dans l’intervalle, la consommation de produits à base de mélatonine et de plantes a plus que doublé. Ces alternatives sont-elles efficaces et sans risques ?
Publié le: 17 septembre 2024
Par: Barbara Delbrouck
4 min
Photo: © Adobe Stock - Aucun produit n'est conçu pour être pris chaque jour pendant des mois ou des années.
Usage chronique, à éviter
Dans les pharmacies et drogueries, on trouve aujourd'hui pléthore de produits à base de mélatonine en vente libre, pour nous aider à dormir. Face aux somnifères, ces produits plus "naturels" semblent une bonne option… Pourtant, ceux-ci ne sont pas pour autant anodins et surtout pas adaptés à une utilisation chronique pendant des mois ou des années, met en garde le Dr Newell, psychiatre en charge du laboratoire du sommeil au CHU Brugmann. Sur un usage à long terme, toute substance peut devenir potentiellement toxique. Une dépendance psychologique peut aussi s’installer : même si son efficacité n’est pas prouvée, on pense qu’on ne peut plus dormir sans...
Les produits à la mélatonine ne sont pas anodins et surtout pas adaptés à une utilisation chronique pendant des mois ou des années
Dr Newell, psychiatre en charge du laboratoire du sommeil au CHU Brugmann
La mélatonine, c'est quoi ?
Surnommée l'hormone du sommeil, la mélatonine est produite naturellement par notre cerveau. Elle contribue à réguler le cycle veille-sommeil, en favorisant l'endormissement. Contrôlée par la lumière, sa sécrétion est faible en journée et augmente à la tombée de la nuit, donnant le signal d'aller au lit ! D'où l'idée d'exploiter les effets d'une mélatonine de synthèse, pour favoriser le sommeil, agir sur le décalage horaire ou encore des troubles de l'horloge biologique. La délivrance de médicament à base de mélatonine a toutefois longtemps été interdite en Belgique en raison d'un manque de données sur son efficacité et sa sécurité. Deux médicaments sont à présent disponibles, notamment pour le traitement - à court terme - de l'insomnie pour les plus de 55 ans, chez qui la production de mélatonine peut chuter. En parallèle, de nombreux compléments alimentaires ont fait leur apparition…
La vigilance est de mise chez les femmes enceintes, les enfants et en cas de maladie chronique
ANSES, Agence Française du Médicament
Des effets indésirables possibles
Ces compléments alimentaires à la mélatonine contiennent souvent de nombreux autres composants et sont moins contrôlés que les médicaments, souligne le Dr Newell. En outre, ils ne sont pas forcément bien tolérés par tout le monde. Suite à des signalements d'effets indésirables, l’Agence française du médicament (ANSM) appelle à la prudence : leur consommation doit être évitée chez les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants et les adolescents. Et soumise à un avis médical pour les personnes souffrant de certaines pathologies.
Quel intérêt face aux somnifères ?
Très peu d’études démontrent l'efficacité de ces compléments, rappelle le Dr Newell. "Pourquoi pas l'envisager pour une petite difficulté à s'endormir passagère, concède-t-il. Mais en cas de grosse insomnie, il y a peu de chances que cela suffise. Les somnifères ne sont pas plus dangereux en soi si leur dosage et leur indication sont bien respectés, c'est-à-dire limité à quelques semaines maximum, face à un événement qui perturbe le sommeil (rupture, décès, etc). Mais le problème est que de nombreux médecins continuent à en prescrire plus longtemps, pensant qu'aucune alternative n'existe. Or, il y en a ! La TTC de l'insomnie (voir encadré) est le traitement de référence en cas de problème chronique. Les études internationales et l’expérience clinique montrent que c'est vraiment efficace ! Mais c'est encore trop peu connu… "
Quitte à prendre une substance pour dormir, autant que ce soit efficace !
Dr Newell, psychiatre en charge du laboratoire du sommeil au CHU Brugmann
Produits à la mélatonine : quelles précautions ?
- Limitez la durée d'usage (2 à 4 semaines maximum)
- Préférez les produits "purs", peu mélangés (appelés "médicaments en vente libre")
- Demandez conseil au pharmacien ou à un médecin, surtout en cas de pathologie ou de prise de médicaments
- Si l'insomnie perdure, consultez pour vérifier qu'il n'y a pas de problème sous-jacent et envisager une thérapie du sommeil (TTC-i)
- N'en donnez pas aux enfants et aux adolescents (sauf prescription d'un spécialiste) et gardez les boites hors de leur portée
- Soyez attentif au risque de somnolence en journée
TCC de l'insomnie : plus efficace
Face à une insomnie chronique (plus de 3 mois), les études ont démontré que la thérapie cognitivo-comportementale de l'insomnie (TTC-i) est plus efficace à long terme que n'importe quel médicament.
De quoi s'agit-il ?
Un module standard de 8 semaines, à raison d'une séance par semaine avec un psychologue spécialisé dans le sommeil, en individuel ou en groupe. Il est proposé dans tous les grands centres du sommeil.
Au menu :
- compréhension des mécanismes du sommeil et de l'insomnie
- travail sur les habitudes et croyances qui la font persister
- aide à l'arrêt des substances consommées pour dormir
- apprendre à gérer les épisodes de vie où le sommeil est perturbé avec le moins possible de médicaments.