Incapacité de travail
Face au vieillissement de la population, le besoin de places en maison de repos est appelé à augmenter de manière exponentielle. Pourtant, entrer dans ce type de structure reste pour la plupart d’entre nous une perspective rédhibitoire. Existe-t-il des alternatives ? Comment favoriser des structures qui soient d’abord et avant tout des lieux de vie ?
Publié le: 25 janvier 2023
Par: Julie Luong
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Photographie: © iStock
Les personnes âgées représentent une part croissante de notre société : si les plus de 65 ans représentaient 9 % de la population en 1960 dans les pays de l’OCDE, ce pourcentage s’élève aujourd’hui à 17% et devrait atteindre 25 % en 2050. Dans trente ans, une personne sur dix aura plus de 80 ans ! Cet allongement de l’espérance de vie est aussi lié à l’augmentation de certaines maladies chroniques et parfois à des situations de dépendance nécessitant des soins ou services spécifiques. Si des structures alternatives comme les logements adaptés, les habitats groupés et intergénérationnels ou les villages Alzheimer commencent à se développer, le secteur institutionnel de soins de longue durée " classique" est frappé d’une image toujours plus négative. "Les futures générations ne veulent pas d’un modèle qui laisse peu de place à la liberté́ individuelle", souligne Stéphane Adam, professeur de psychologie du vieillissement à l’ULiège, dans son récent essai Maison de repos, maison de vie ?. Il y appelle à un changement de culture pour que, face à la médicalisation croissante, les maisons de repos s’affirment avant tout comme des lieux de vie, plus proches du "comme à la maison" que du "comme à l’hôpital".
En Marche : Dans cet ouvrage, vous pointez le déséquilibre d’une approche qui, au sein des maisons de repos, privilégie la santé physique (soins/hygiène/sécurité) au détriment de la santé mentale (bien-être/qualité de vie/auto-détermination).
Stéphane Adam : Quels que soient notre culture, notre éducation, notre niveau socio-économique, nous cherchons à avoir le contrôle sur nos vies. L’auto-détermination est un critère pertinent pour une bonne qualité de vie, mais aussi une vie longue et en bonne santé. Or le regard institutionnel et sociétal porté sur le vieillissement a souvent amené à diminuer cette auto-détermination chez les aînés. Les études montrent que le sentiment de contrôle qu’on peut avoir sur sa vie diminue avec l’âge. La recherche du soin à tout prix amène à une démarche très hygiéniste et sécuritaire. On a pu l'observer pendant la crise sanitaire : pour des raisons d’hygiène et de sécurité, on a réduit nos libertés et diminué le contrôle que nous avions sur nos vies, avec pour conséquence une augmentation drastique des problèmes de santé mentale. Ce qu’on a vécu pendant la première vague du Covid à titre privé, c’est ce que connaît une personne âgée en institution.
E.M. : Or la santé mentale a elle-même un effet sur la mortalité...
S.A. : Dans les institutions, quand on enlève aux personnes âgées du contrôle sur leur vie, soit elles s’éteignent et se laissent mourir, soit elles essaient de s’extraire et de reprendre le contrôle. C’est comme avec le vote : si on pense que ça ne sert à rien, que c’est "tous les mêmes", soit on ne va plus voter, on ne donne plus son avis et on "s’éteint", soit on enfile des gilets jaunes et on se rebelle..
E.M. Au Danemark, il est interdit de construire de nouvelles maisons de repos, avec pour conséquence le développement de logements adaptés et de plus petites structures composées d’appartements. Pourrions-nous envisager un tel scénario en Belgique ?
E.M. Vous plaidez aussi pour un changement de culture au niveau de l’encadrement qui reste très médicalisé, avec peu d’éducateurs, d’animateurs, d’assistants sociaux.